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de longs efforts, à les remettre sur pied.

Il était 2 heures du matin ; les aéronautes avaient jeté, comme inutile, la lampe à esprit-de-vin destinée à les diriger. Plongés dans une obscurité presque totale, ils ne pouvaient examiner le baromètre qu’à la faible lueur d’une lanterne. Mais la bougie ne pouvant brûler dans un air aussi raréfié, sa lumière s’affaiblit peu à peu, et elle finit par s’éteindre. Ils se trouvèrent alors dans une obscurité complète.

Fig. 309. — Zambeccari.

L’aérostat continuait de descendre lentement, à travers une couche épaisse de nuages blanchâtres. Ces nuages dépassés, Andreoli crut entendre dans le lointain le sourd mugissement des flots. Ils prêtèrent l’oreille tous les trois, et reconnurent que c’était le bruit de la mer. En effet, ils tombaient dans l’Adriatique.

Il était indispensable d’avoir de la lumière, pour examiner le baromètre et reconnaître quelle distance les séparait encore de l’élément terrible qui les menaçait. Andreoli réussit, mais avec infiniment de peine, à l’aide du briquet, à rallumer la lanterne. Il était 3 heures, le bruit des vagues augmentait de minute en minute, et les aéronautes reconnurent avec effroi qu’ils étaient à quelques mètres à peine au-dessus de la surface des flots. Zambeccari saisit un gros sac de lest ; mais, au moment de le jeter, la nacelle s’enfonça dans la mer, et ils se trouvèrent tous dans l’eau.

Aussitôt ils rejetèrent loin d’eux tout ce qui pouvait alléger la machine : toute la provision de lest, leurs instruments, et une partie de leurs vêtements. Déchargé d’un poids considérable, l’aérostat se releva tout d’un coup. Il remonta avec une telle rapidité, il s’éleva à une si prodigieuse hauteur, que Zambeccari, pris de vomissements subits, perdit connaissance. Grassetti eut une hémorrhagie du nez, sa poitrine était oppressée et sa respiration presque impossible. Comme ils étaient trempés jusqu’aux os, au moment où la machine les avait emportés, le froid les saisit, et leur corps se trouva en un instant couvert d’une couche de glace. La lune leur apparaissait comme enveloppée d’un voile de sang. Pendant une demi-heure, la machine flotta dans ces régions immenses, et se trouva portée à une incommensurable hauteur. Au bout de ce temps, elle se mit à redescendre, et ils retombèrent dans la mer.

Ils se trouvaient à peu près au milieu de l’Adriatique, la nuit était obscure et les vagues fortement agitées. La nacelle était à demi enfoncée dans l’eau, et ils avaient la moitié du corps plongée dans la mer. Quelquefois les vagues les couvraient entièrement. Heureusement le ballon, encore à demi gonflé, les empêchait de s’enfoncer davantage. Mais l’aérostat, flottant sur les eaux, formait une sorte de voile où s’engouffrait le vent, et pendant plusieurs heures ils se trouvèrent ainsi traînés et ballottés à la surface des flots.

Malgré l’obscurité de la nuit, ils crurent un moment apercevoir à une faible