Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/554

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aéronautes l’attachèrent à la nacelle, et ils furent de cette manière hissés, à demi morts, sur le bâtiment. Débarrassé de ce poids, le ballon fit effort pour remonter dans les airs ; on essaya de le retenir ; mais la chaloupe était fortement secouée, le danger devenait imminent et les matelots se hâtèrent de couper la corde. Aussitôt le globe s’éleva et se perdit dans les nues.

Il était 8 heures du matin, quand ils arrivèrent à bord du vaisseau. Grassetti donnait à peine quelques signes de vie, ses deux mains étaient mutilées. Zambeccari, épuisé par le froid, la faim et tant d’angoisses horribles, était aussi presque sans connaissance, et, comme Grassetti, il avait les mains mutilées. Le brave marin qui commandait le navire prodigua à ces malheureux tous les soins que réclamait leur état. Il les conduisit au port de Ferrada, d’où ils furent transportés ensuite dans la ville de Pola. Les blessures que Zambeccari avait reçues à la main avaient pris tant de gravité, qu’un chirurgien dut lui pratiquer l’amputation de trois doigts.

Quelques mois après, Kotzebue eut occasion de voir Zambeccari, qui, guéri de ses blessures, était revenu à Bologne. Dans ses Souvenirs d’un voyage en Livonie, Kotzebue raconte une visite qu’il fit à l’intrépide aéronaute, et il ne cesse d’admirer son héroïsme et son courage : « C’est un homme, dit-il, dont la physionomie annonce bien ce qu’il a fait depuis longtemps ; ses regards sont des pensées. »

Après avoir couru de si terribles danger, Zambeccari aurait dû être dégoûté à jamais de semblables entreprises. Il n’en fut rien ; car, à peine remis, il recommença ses ascensions. Comme sa fortune ne lui permettait pas d’entreprendre les dépenses nécessaires à la construction de ses ballons, et que ses compatriotes lui refusaient tout secours, il s’adressa au roi de Prusse, qui lui procura les moyens de poursuivre ses projets.

Le 21 septembre 1812, Zambeccari fit, à Bologne, une nouvelle expérience. Mais elle eut cette fois une issue fatale. Son ballon s’accrocha à un arbre, la lampe à esprit-de-vin, à laquelle il n’avait pas renoncé, mit le feu à la machine, et l’infortuné aéronaute fut précipité, à demi consumé.

La mort de madame Blanchard et celle de Zambeccari ne sont pas les seuls malheurs qui aient attristé l’histoire de l’aérostation. Harris, ancien officier de la marine anglaise, avait embrassé la carrière de l’aérostation et il avait fait, avec M. Graham, plusieurs ascensions publiques. Il fit lui-même construire un ballon, auquel il ajouta de prétendues améliorations, qui avaient sans doute été mal conçues. Le fait est qu’il perdit la vie, dans les circonstances dramatiques que nous allons raconter.

Le 8 mai 1824, Harris partit du Wauxhall de Londres, accompagné d’une jeune dame qu’il aimait passionnément. Arrivé au plus haut de sa course, et voulant redescendre, il tira la corde qui aboutissait à la soupape, afin de perdre une partie du gaz et de descendre d’une manière lente et graduelle. Mais il y avait, sans doute, dans la soupape, quelque vice de construction, car une fois ouverte, elle ne put se refermer, et le gaz continua de s’échapper rapidement. Malgré tous ses efforts, Harris ne put parvenir à atteindre jusqu’à la soupape, et l’aérostat se mit à descendre avec une rapidité effrayante.

Il commença par jeter tous les sacs de lest qu’il avait emportés, et tout ce qui était susceptible d’alléger l’aérostat. Mais le ballon tombait toujours avec une vitesse excessive. Il jeta jusqu’à ses vêtements ; mais rien ne pouvait arrêter cette terrible chute, qui allait bientôt les briser tous les deux contre la terre.

Si le ballon n’eût porté qu’un voyageur, son salut était presque assuré. L’héroïsme de l’amour inspira, en ce moment, à Harris, un sacrifice suprême. Il embrassa sa compagne, et se précipita dans l’espace.