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raréfié, s’était extrêmement dilaté, comme il arrive toujours dans cette circonstance. L’étoffe du ballon, pressée par l’expansion du gaz intérieur, avait fait effort de toutes parts, et brisé une partie du filet, qui était rempli d’humidité, déjà raidie par le froid. Telle était la cause des bruits qui avaient retenti au-dessus de leur tête, en secouant affreusement la nacelle. Heureusement, cette crise n’eut aucune suite fâcheuse ; les voyageurs en furent quittes pour la peur.

Les premières lueurs du matin, si lentes à apparaître au mois de novembre, commencèrent enfin à se montrer, et les voyageurs purent savoir s’ils planaient sur la mer ou sur le continent. En effet, plus d’une fois, pendant la nuit, ils avaient entendu sortir, des vapeurs environnantes, des bruits qui ressemblaient tellement à celui des vagues qui se brisent sur une plage, que Green se croyait transporté sur les rives de la mer du Nord, ou au moment d’atteindre les parages, plus éloignés, de la mer Baltique. L’arrivée du jour dissipa ces craintes. Au lieu de la mer, on découvrit un pays cultivé, traversé par un fleuve majestueux, dont la ligne sinueuse partageait le paysage, et allait se perdre aux courbes lointaines de l’horizon.

Ce fleuve était le Rhin. Mais nos voyageurs ne connaissaient pas assez bien la carte de l’Europe, pour reconnaître, de cette hauteur, au seul aspect, le territoire qu’ils parcouraient. Ignorant la vitesse du vent qui les avait emportés, ils n’avaient aucun élément pour calculer leur distance de l’Angleterre. Seulement, comme ils avaient aperçu de grandes plaines couvertes de neige, ils se croyaient arrivés jusqu’en Pologne.

Ce lieu paraissant propice à l’atterrissement, ils se décidèrent à terminer là un voyage si accidenté. Green donna issue au gaz, jeta l’ancre au bas de la nacelle, et effectua sa descente sans accident. Il était 7 heures et demie du matin.

Alors apparurent les naturels du pays, qui jusque-là, s’étaient tenus prudemment cachés dans les taillis, observant les manœuvres de cet étrange équipage. Ils s’empressèrent de venir prêter main-forte aux voyageurs, et leur apprirent dans quel lieu ils étaient descendus.

C’était le duché de Nassau, et la ville la plus voisine était Weilberg.

On fit une réception d’honneur aux trois voyageurs anglais, qui, par reconnaissance, déposèrent dans les archives du palais ducal de Nassau, le pavillon qui avait orné leur nacelle, dans cette expédition aventureuse. Il prit place à côté d’un pavillon semblable que Blanchard y avait déposé, à la suite d’une ascension faite en 1785, et dans laquelle, partant de Francfort, il était descendu, par un singulier hasard, à deux lieues seulement du point où Green et ses compagnons avaient opéré leur atterrissement.

Ainsi se termina cette expédition nocturne, dans laquelle Green et ses compagnons parcoururent la plus grande étendue de pays que l’on eût encore franchie en ballon. Une portion considérable de cinq États de l’Europe, l’Angleterre, la France, la Belgique, la Prusse, et le duché de Nassau ; une longue suite de villes, Londres, Rochester, Cantorbéry, Douvres, Calais, Ypres, Courtray, Lille, Tournay, Bruxelles, Namur, Liége, Spa, Malmédy, Coblentz, et une foule de bourgs et de villages étaient venus se présenter successivement à leur horizon.

Après le voyage de Green, celui qui fut effectué, en France, le 6 octobre 1850, dans le ballon la Ville-de-Paris, dirigé par MM. Eugène Godard et Louis Godard, et dans lequel les voyageurs, au nombre de six, allèrent descendre en Belgique, mérite d’être signalé.

Le ballon la Ville-de-Paris était monté, outre MM. Eugène Godard et Louis Godard, par MM. Gaston de Nicolay, Julien Turgan, Louis Deschamps, régisseur de l’Hippodrome, et Maxime Mazen. Il partit à 5 heures et