Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/567

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tionnaires qui fournirait les fonds de cette entreprise, ne se constitue pas, s’était dit M. Nadar, du jour au lendemain. Je vais donc, tout de suite, faire des ascensions publiques, afin de me procurer les sommes indispensables à l’accomplissement du grand œuvre de l’aéronef.

Il y aurait beaucoup à répondre à cette manière de raisonner. Nous avons trop bonne opinion de nos compatriotes, de leur dévouement à la science et au progrès, pour mettre en doute que les capitaux nécessaires à l’étude pratique de l’aéronef, eussent manqué à l’appel chaleureux de deux inventeurs estimables, MM. la Landelle et Ponton d’Amécourt, assurés du concours actif d’un homme intelligent et courageux, et s’appuyant sur les résultats de sérieuses études préparatoires. M. Nadar n’a pas eu cette confiance dans les sentiments généreux de ses contemporains. Nous croyons qu’il s’est trompé. Mais en principe, nous n’aimons à blâmer personne. Sachant combien de difficultés rencontre la plus simple des créations, combien est long quelquefois le chemin qui sépare d’un but, en apparence très-rapproché, nous évitons de chicaner les gens sur les moyens qu’ils croient les plus propres à les conduire à leur but, surtout quand ce but sert la cause de la science et du progrès.

Il s’agissait donc, suivant le plan de campagne adopté par l’intrépide général, de confectionner un aérostat ordinaire, et de procéder à une ascension publique, dans un délai aussi rapproché que possible, car on était déjà au mois d’août. M. Nadar raconte avec une incroyable verve, dans les Mémoires du Géant, toutes les péripéties par lesquelles il dut passer avant de réaliser ce projet : — comme quoi, avec 10 500 fr. qui étaient souscrits, il fallait payer 60 000 fr. de taffetas et un devis de 9 000 fr. de M. Louis Godard, devis qui devait s’accroître ensuite dans des proportions considérables ; — comment, après avoir vainement demandé, pour la première ascension du Géant, le terrain des courses de Longchamp, puis celui des courses de Vincennes (qu’on lui offrait, moyennant la bagatelle de 10 000 francs, à l’effet de créer un nouveau prix de courses chevalines en son honneur !), il obtint le Champ-de-Mars, grâce à l’intervention de M. Victorien Sardou auprès du maréchal Magnan, son voisin de campagne ; — enfin les dissentiments qui existaient entre M. Nadar et son entrepreneur, Louis Godard, au sujet de certaines parties importantes de la construction du Géant, et principalement au sujet de la soupape, dont les dimensions, beaucoup trop petites, furent, plus tard, cause de tant de malheurs. Il faut lire tous ces détails dans le piquant ouvrage de M. Nadar.

Le Géant (fig. 315) méritait bien son nom, car c’est le plus grand aérostat qui ait jamais été construit. Il est aussi grand que l’était le Flesselles, cette monstrueuse montgolfière montée par Pilâtre de Rozier, et qui s’éleva à Lyon, en 1784[1]. Composé de deux enveloppes superposées en taffetas blanc, il ne cube pas moins de 6 000 mètres. Sa hauteur totale est de 40 mètres et il a fallu 7 000 mètres de soie pour le confectionner.

La nacelle, placée au-dessous de l’aérostat, est à deux étages, ou plutôt se compose d’une plate-forme surmontant une sorte de cabine. Les dimensions de la nacelle ne sont que de 4 mètres de hauteur sur 2m, 30 de large. Construite en branches de bois de frêne et d’osier, elle pèse 1 200 kilogrammes.

La première ascension du Géant eut lieu au Champ-de-Mars, le 4 octobre 1863. Elle avait attiré une foule immense : plus de cent mille personnes entrèrent, ce jour-là, dans l’enceinte. Elle s’accomplit, d’ailleurs, de la manière la plus heureuse. Seulement, la durée du voyage fut extrêmement courte, car les aéronautes descendirent à Meaux, à quelques lieues de Paris.

La seconde ascension eut lieu, le 18 octo-

  1. Voir page 452.