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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/590

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les ballons lancés dans les airs, et créer ainsi une navigation atmosphérique, capable de lutter avec la locomotion terrestre et la navigation maritime ? Telle est la question qui domine évidemment toute la série des applications des aérostats, tel est aussi le point de théorie que nous devons examiner.

La possibilité de diriger à volonté les ballons lancés dans l’espace, est une question qui a occupé un grand nombre de savants. Meunier, Monge, Lalande, Guyton de Morveau, Bertholon et beaucoup d’autres physiciens, n’hésitaient pas à regarder le problème comme pouvant se résoudre assez facilement. Les beaux travaux mathématiques que Meunier nous a laissés sur les conditions d’équilibre des aérostats et les moyens de les diriger, montrent à quel point ces idées l’avaient séduit. On peut en dire autant de Monge, qui a traité avec soin les diverses questions qui se rattachent à l’aérostation. Cependant on pourrait citer une très-longue liste de géomètres qui ont combattu les opinions de Monge et de Meunier. D’un autre côté, une foule d’ingénieurs et d’aéronautes ont essayé diverses combinaisons mécaniques, propres à diriger les aérostats. Mais toutes ces tentatives n’ont eu aucun succès, et la pratique n’a pas tardé à renverser les espérances que les inventeurs avaient conçues.

C’est que la direction des aérostats, sans être une question insoluble, s’environne d’un grand nombre de difficultés. Ces difficultés, nous allons d’abord les faire comprendre ; nous verrons ensuite s’il y a quelque espoir de les résoudre.

L’agitation de l’atmosphère est une règle qui souffre peu d’exceptions. Lorsque le temps nous semble le plus calme à la surface de la terre, les régions élevées de l’air sont souvent parcourues par des courants très-forts. La résistance considérable que l’air, même le plus tranquille, opposerait à la progression d’un aérostat, ne pourrait être surmontée par la force de l’homme, réduit à ses bras ou à un mécanisme destiné à transmettre cette force. C’est ce qu’il est facile d’établir.

Le seul point d’appui offert au mécanicien, c’est l’air atmosphérique ; c’est sur l’air qu’il doit agir, et l’air si raréfié des régions supérieures. En raison de la ténuité de ce fluide et de son extrême raréfaction, il faudrait le frapper avec une vitesse excessive, pour produire, avec les forces de l’homme, appliquées à un mécanisme quelconque, un effet sensible de réaction. Mais pour obtenir cette vitesse excessive, il faudrait employer divers appareils plus ou moins compliqués, appliqués à un mécanisme tournant dans l’air. Or, les rouages, les engrenages et les agents moteurs, qu’il faudrait embarquer pour produire un résultat, sont d’un poids trop considérable pour être utilement adaptés à un ballon, dont la légèreté est la première et la plus indispensable des conditions.

Si, pour obvier à cet inconvénient capital, on veut augmenter, dans les proportions nécessaires, le volume du ballon, on tombe dans un autre défaut tout aussi grave. L’aérostat présente alors en surface un développement immense. Or, en augmentant les dimensions du ballon, on offre nécessairement à l’action de l’air une prise plus considérable ; c’est comme la voile d’un navire sur laquelle le vent agit avec d’autant plus d’énergie que sa surface est plus grande. Ainsi, en augmentant la force, on augmenterait en même temps la résistance, et comme ces deux éléments croîtraient dans le même rapport, les conditions premières resteraient les mêmes.

Il est donc manifeste qu’aucun des mécanismes que nous connaissons, mis en jeu par la seule main de l’homme, ne pourrait s’appliquer efficacement à la direction des aérostats. Ainsi tous les innombrables systèmes de rames, de roues, d’hélices, de gouvernails, mus par la force humaine, etc., qui ont été proposés ou essayés, ne pouvaient en aucune manière, permettre d’arriver au but que l’on se proposait d’atteindre.