Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/595

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à-dire une centaine de mille francs, dans la construction d’un aérostat dirigeable. Cet aérostat avait 50 mètres de longueur sur 20 de hauteur. Il portait une nacelle de 20 mètres de long, pouvant enlever dix-sept personnes, et était muni d’un gouvernail, de rames tournantes, etc. « Le ballon est construit, disait le programme, au moyen d’une toile préparée de manière à contenir le gaz pendant près de quinze jours. » Hélas ! on eut toutes les peines du monde à faire parvenir jusqu’au Champ-de-Mars, la malheureuse machine, qui pouvait à peine se soutenir. Elle ne put s’élever, et la multitude la mit en pièces.

Un autre essai exécuté à Paris, par M. Eubriot, au mois d’octobre 1839, ne réussit pas mieux. Ce mécanicien avait construit un aérostat, de forme allongée, offrant à peu près la figure d’un œuf. Il présentait cet œuf par le gros bout. Cette disposition, que l’on regardait comme un progrès, n’avait au contraire rien que de vicieux. Une fois la colonne d’air entamée par le gros bout, le reste, disait-on, devait suivre sans encombre. C’était rappeler la fable du dragon à plusieurs têtes et du dragon à plusieurs queues : il fallait pouvoir faire avancer le gros bout. Or, ce résultat ne pouvait être obtenu par les faibles moyens mécaniques auxquels on avait recours, et qui se bornaient à deux moulinets mus par les bras de l’homme.

Le problème de la direction des aérostats fut remis à l’ordre du jour, vers 1850. À la suite de la faveur nouvelle que le caprice de la mode vint rendre, à cette époque, aux ascensions et aux expériences aérostatiques, un inventeur, que n’avait point découragé l’insuccès de ses nombreux devanciers, traça, au mois de juin 1850, le plan d’une sorte de vaisseau aérien. Ce prétendu système de locomotion aérienne était fort au-dessous des combinaisons du même genre déjà proposées ; cependant, comme il a fait beaucoup de bruit à Paris et dans le reste de la France, nous rappellerons ses dispositions principales.

M. Petin proposait de réunir en un système unique, quatre aérostats à gaz hydrogène reliés, par leur base, à une charpente de bois, qui formait comme le pont de ce nouveau vaisseau. Sur ce pont s’élevaient, soutenus par des poteaux, deux vastes châssis, garnis de toiles, disposées horizontalement. Quand la machine s’élevait ou s’abaissait, ces toiles, présentant une large surface qui donnait prise à l’air, se trouvaient soulevées ou déprimées uniformément par la résistance de ce fluide ; mais, si l’on en repliait une partie, la résistance devenait inégale, et l’air passait librement à travers les châssis ouverts ; comme il continuait cependant d’exercer son action sur les châssis encore munis de leurs toiles, il résultait de là une rupture d’équilibre qui devait faire incliner le vaisseau et le faire monter ou descendre à volonté, en sens oblique, le long d’un plan incliné.

Le projet de M. Petin présentait un vice irrémédiable. Les mouvements provoqués par la résistance de l’air ne pouvaient s’exécuter que pendant l’ascension ou la descente ; ils étaient impossibles quand le ballon était en repos. Pour provoquer ces effets, il était indispensable d’élever ou de faire descendre l’aérostat, en jetant du lest ou en perdant du gaz ; on n’atteignait donc le but désiré qu’en usant peu à peu la cause même du mouvement.

Là n’était pas encore toutefois le défaut radical de ce système ; ce défaut radical, c’était l’absence de tout moteur. L’effet de bascule provenant du jeu des châssis aurait peut-être pu imprimer, dans un temps calme, un mouvement à l’appareil ; mais, pour surmonter la résistance du vent et des courants atmosphériques, il faut évidemment faire intervenir une puissance mécanique. Cet agent fondamental, c’est à peine si M. Petin y avait songé, ou du moins les moyens qu’il proposait étaient tout à fait puérils. Il se tirait d’embarras, en disant que son moteur serait