Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/604

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fonctionnant dans l’eau, n’a qu’à diriger un corps flottant. Dans la navigation aérienne sans aérostat, comme le veut M. Ponton d’Amécourt, sans gaz léger procurant l’équilibre, il faut non-seulement que l’hélice produise la direction, mais encore qu’elle produise l’élévation de tout l’appareil, qu’elle triomphe de l’action de la pesanteur, et cela pendant toute la durée d’une course assez longue. Voilà bien des efforts que l’on te demande, ô sainte hélice ! et tu justifieras assurément toutes les épithètes admiratives que l’on t’accorde, si tu parviens jamais à réaliser tant de merveilles !

En admettant que l’hélice puisse produire sur l’air un effet de réaction assez énergique pour déterminer ces trois résultats prodigieux : élever la machine en l’air, l’y maintenir quelque temps, et la diriger, il restera toujours à savoir quel sera le moteur qui se chargera de faire tourner cette bienheureuse hélice ? Ce moteur sera sans doute la vapeur, car il n’y a pas d’autre puissance mécanique aujourd’hui connue, capable de développer un effort très-puissant, sans tenir grande place. Mais si l’on emploie la vapeur, il faudra des machines lourdes, une provision d’eau et de charbon ; cela accroîtra terriblement le poids de l’appareil. Avec un ballon à gaz hydrogène, qui porte avec lui sa force ascensionnelle, on peut embarquer sans inconvénient, comme l’a prouvé l’expérience de M. Giffard, une provision d’eau et de charbon, plus une machine à vapeur assez lourde. Mais avec votre aéronef, qui est plus lourd que l’air, comment soulèverez-vous, comment maintiendrez-vous en l’air, cet excès énorme de matière pesante, ce charbon, cette eau, cette machine de fer et d’acier ?

Quand on serre un peu de près ce fameux système du plus lourd que l’air, on est étonné de la légèreté des bases sur lesquelles on l’a fait reposer. Car du moteur à employer, question fondamentale, question de vie ou de mort, on n’a jamais dit mot. On croirait que l’hélice doit tourner toute seule, mue par une baguette magique, ou par l’éloquence enthousiaste de ses apôtres.

Les défenseurs enthousiastes de l’aéronef de M. Ponton d’Amécourt, posent en principe qu’il faut, pour lutter contre l’air, être plus lourd que l’air, et ils citent en exemple l’oiseau. L’argument ne nous paraît pas décisif. Sans doute, l’oiseau en repos est plus lourd que l’air ; mais qui a pesé l’hirondelle, au moment où elle plane dans les cieux ? Les poumons des oiseaux se prolongent dans la plus grande partie de l’abdomen ; leurs os sont criblés de canaux aériens ; tout leur corps renferme une infinité de petites cavités, de poches membraneuses à valvules : toutes ces cavités se dilatent et se remplissent d’air chaud pendant le vol. En outre, leurs plumes fonctionnent comme de petites montgolfières, si bien que le poids spécifique de l’oiseau change considérablement par cette insufflation d’air chaud et léger à travers leur corps tout entier. Enfin, la grande surface de leurs ailes, déployées horizontalement, présente une résistance relativement considérable, si on la compare au poids des muscles qui représentent l’appareil moteur. Il est donc permis d’avancer, en dépit de l’affirmation contraire de la nouvelle école, et conformément à l’opinion des physiciens et des physiologistes du siècle dernier, que l’oiseau en mouvement est presque aussi léger que l’air.

Ce sont de purs raisonnements théoriques que nous venons de développer dans les pages qu’on vient de lire. Mais nous n’avons fait en cela que suivre les partisans du système du plus lourd que l’air. Tout jusqu’ici s’est borné, de leur part, à des assertions, à des affirmations, à des théories. Depuis l’année 1862, époque à laquelle ce système fut formulé pour la première fois, aucune expérience n’a été tentée, aucun essai pratique n’a été réalisé. Tout s’est borné à des promesses et à l’appui