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s’assurer, si, conformément à ses calculs, la machine, pleine de gaz d’éclairage, pourrait s’élever, eut un résultat, sinon négatif, du moins douteux. Dès lors, le bailleur de fonds, effrayé, refusa de continuer ses avances.

Le cœur plein d’anxiété, Dupuis-Delcourt s’adressa à l’Académie des sciences, qui l’avait encouragé et approuvé, dans la personne de quelques-uns de ses membres. Mais il n’est guère dans les habitudes de cette compagnie savante, de venir pécuniairement en aide aux inventeurs, surtout quand il s’agit d’une question aussi discréditée que celle des ballons. Le loyer des bâtiments de l’impasse du Maine était écrasant, et bien au-dessus des ressources du pauvre aéronaute réduit à lui-même. Il fallut donc chercher une retraite nouvelle au ballon de cuivre. On ne lui trouva d’autre asile qu’une dépendance de la Fonderie de la ville de Paris, au faubourg du Roule.

Ce fut un étrange spectacle que celui du transport de cette énorme machine, à travers tout Paris, de la barrière du Maine à celle du Roule. Il rappelait le transport du premier ballon à gaz hydrogène, dont nous avons parlé dans les premières pages de cette notice, lorsque, dans la nuit du 27 août 1783, le ballon, construit par le professeur Charles, fut transporté, de la place des Victoires, au Champ-de-Mars, entouré d’un cortége, et escorté par un détachement du guet à cheval.

Par une coïncidence étrange, ce fut le 27 août 1843, après soixante et un ans d’intervalle, jour pour jour, que le ballon de cuivre donna aux Parisiens un spectacle tout pareil. À 4 heures du matin, Dupuis-Delcourt chargeait son ballon sur une de ces longues voitures de transport, nommées fardier, longue de plus de 10 mètres. Des chevaux, des hommes, de grosses cordes, soutenaient, dirigeaient ce gigantesque et fragile édifice, formant le spectacle le plus imposant et le plus singulier à la fois.

Fig. 336. — Dupuis-Delcourt.

Partant de la barrière du Maine, le convoi suivit les boulevards Montparnasse et des Invalides, le quai, le pont et la place de la Concorde, la rue Royale et le faubourg Saint-Honoré, pour se rendre au faubourg du Roule. À 6 heures du matin, le globe de cuivre, traîné par son équipage, arrivait, non sans peine, à sa destination ; et on l’installa dans le bâtiment principal de la fonderie, d’où sont sorties les statues de Henri IV, de Louis XIV, le Napoléon de M. Seurre, qui décore aujourd’hui le rond-point de Courbevoie après avoir trôné sur la colonne de la place Vendôme, les chapiteaux et les ornements de la colonne de Juillet, etc., etc.

Dupuis-Delcourt espérait que, dans ce nouvel asile, son ballon serait achevé et soumis à l’expérience définitive. Mais n’était-ce pas un triste présage, pour un ballon de cuivre, que d’être transporté à une fonderie ? C’était pour le malheureux appareil, comme une tombe anticipée.

L’événement ne tarda pas à justifier ce pronostic fatal. L’hiver de 1844 à 1845 fut