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la méthode anesthésique et celles qui s’exécutent aujourd’hui sous sa bienfaisante influence ! Qui n’a frémi au spectacle que présentaient autrefois les opérations sanglantes ? Nous ne voulons pas attrister l’esprit de nos lecteurs de ce lugubre tableau ; mais seulement que l’on compare entre elles ces deux situations si opposées, et que l’on dise ensuite si la découverte américaine n’a point dépassé les limites ordinairement imposées aux inventions des hommes.

Quelles que soient les conclusions que l’on veuille tirer du rapprochement de ces faits, il faudra reconnaître au moins qu’en nous donnant le pouvoir d’anéantir la douleur, cet éternel ennemi, ce tyran néfaste de l’humanité, la méthode anesthésique nous a enrichis d’un bienfait inappréciable, éternellement digne de l’admiration et de la reconnaissance publiques.

Cette haute opinion, qu’il convient de se former de la découverte américaine, aurait pu sembler exagérée à l’époque de ses débuts, au moment où l’annonce de ses prodigieux effets vint frapper le monde savant d’une surprise qui n’est pas encore effacée. Mais aujourd’hui tous les doutes sont levés. Plusieurs années d’études et d’expériences accomplies dans toutes les régions du monde, sous les climats les plus opposés, dans les conditions les plus diverses, ont permis d’instruire la question jusque dans ses derniers détails, et de résoudre toutes les difficultés secondaires qui avaient surgi à l’origine. En Amérique, en Angleterre et surtout en France, les Académies et les Sociétés savantes se sont emparées avec ardeur de ce brillant sujet, et la question est aujourd’hui fixée dans tous ses points utiles. Aussi le moment est-il parfaitement opportun pour présenter le tableau général de l’histoire et de l’état présent de cette belle découverte. Le temps nous place déjà assez loin de ses débuts pour nous défendre de l’entraînement d’un enthousiasme irréfléchi, et de plus il nous a préparé un si grand nombre de renseignements et de faits, qu’il est maintenant facile de juger sainement et en connaissance de cause, ce grand événement scientifique. D’ailleurs, une main savante a rassemblé tous les éléments de cette enquête. M. Bouisson, professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de médecine de Montpellier, a publié en 1850, sous le titre de Traité théorique et pratique de la méthode anesthésique, un ouvrage étendu dans lequel tous les faits qui se rattachent à la découverte américaine sont étudiés d’une manière approfondie. Les recherches contenues dans le livre du professeur de Montpellier, nous permettront de donner à nos lecteurs une idée claire et complète de la découverte la plus intéressante de notre siècle.

La question historique qui se rattache à la découverte de l’éthérisation a soulevé, aux États-Unis, de longs et importants débats ; elle est devenue le texte de quelques publications qui, à ce point de vue, offrent un grand intérêt. Le dentiste William Morton a publié à Boston, en 1847, un exposé des faits qui ont amené la découverte des propriétés stupéfiantes de l’éther. Le mémoire de Morton sur la découverte du nouvel emploi de l’éther sulfurique contient beaucoup d’assertions qui seraient d’une haute gravité, si la critique historique pouvait les accepter sans contrôle. Par malheur, les témoignages invoqués par le dentiste de Boston ne sont empreints que d’une véracité fort douteuse, et c’est ce qu’a parfaitement démontré un nouvel opuscule publié en 1848 par les soins du docteur Jackson. MM. Lord, de Boston, sont les auteurs d’un Mémoire à consulter, qui a pour titre : Défense des droits du docteur Charles Jackson à la découverte de l’éthérisation. Bien que très-confuse et très-obscure, la dissertation des avocats du docteur Jackson fournit un certain nombre de documents authentiques, qui permettent de rétablir la vérité sur une question qui a longtemps agité et qui di-