Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/640

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que, sans que les malades aient accusé la moindre douleur. Une amputation de jambe, l’extirpation des ganglions sous-maxillaires et diverses autres opérations moins importantes, ont été exécutées de cette manière sur des sujets d’âge, de sexe et de tempérament différents, que le sommeil magnétique a exemptés, selon l’auteur, de toute sensation douloureuse. M. Loysel invoque, à l’appui de ses assertions, le témoignage d’un grand nombre de personnes recommandables de Cherbourg, qui assistaient aux opérations. Ajoutons que M. le docteur Kühnoltz, de Montpellier, a observé dans sa pratique quelques faits du même genre, qui se rapportent à des opérations moins graves. Il paraît enfin que des expériences faites à Calcutta, en 1850, sous les yeux d’une commission nommée par le gouvernement des Indes, ont donné au docteur Esdaile des résultats assez favorables pour l’encourager à poursuivre dans cette voie.

Tout cela est assurément fort curieux, mais une seule réflexion fera comprendre qu’il était impossible d’introduire le magnétisme animal dans le domaine de la chirurgie. Le somnambulisme artificiel poussé au point d’amener l’insensibilité générale est un fait d’une rareté extraordinaire ; c’est une merveille qui ne se rencontre que de loin en loin et chez des individus d’une organisation spéciale. Un sujet magnétique, selon les termes consacrés, est un phénix précieux que les maîtres de l’art poursuivent avec passion sans le rencontrer toujours. Il faut, pour répondre à toutes les conditions du programme magnétique, une nature particulière et tout à fait exceptionnelle. De là l’impossibilité de faire franchir au magnétisme animal le seuil de nos hôpitaux. D’ailleurs le charlatanisme et la fraude ont perdu depuis longtemps la cause du magnétisme. Il y a certainement quelques vérités utiles à glaner dans le champ obscur de ces étranges phénomènes, et tout n’est pas mensonge dans les merveilles que l’on nous a si souvent racontées à ce propos. Mais le magnétisme avait dans l’ignorance de ses adeptes et dans les abus qu’il ouvre à la spéculation et à l’imposture, deux écueils redoutables ; au lieu de les éviter, il s’y est engagé à pleines voiles. La science moderne s’accommode mal de ces doctrines qui redoutent le grand jour de la démonstration publique, et ne dévoilent leurs merveilles qu’à l’abri d’une ombre propice ou dans un cercle de croyants dévoués ; elle s’est éloignée avec raison de ces pratiques ténébreuses, et le magnétisme animal, appliqué à la prophylaxie de la douleur, s’est vu refuser avec raison l’honneur d’une expérimentation régulière. L’eût-on d’ailleurs admis à cette épreuve, il est certain qu’il eût succombé, car les faits mêmes que nous avons rapportés, et qui pour quelques-uns de nos lecteurs, peuvent sembler sans réplique, n’ont pas manqué de contradicteurs qui ont trouvé dans la possibilité de feindre l’insensibilité, dans l’organisation de certains individus capables de supporter sans s’émouvoir, les opérations les plus cruelles, enfin dans la rareté excessive des cas de ce genre, des motifs suffisants pour rejeter les arguments tirés de ces faits, et pour repousser hors de la chirurgie, la thérapeutique incertaine et mystique du magnétisme animal.

Nous venons de passer en revue la série des moyens proposés à diverses époques, pour atténuer la douleur dans les opérations chirurgicales ; on voit aisément que nul d’entre eux n’était susceptible de recevoir une application sérieuse. Les plus efficaces de ces moyens, tels que l’opium, la compression, l’application du froid, ne furent guère employés que par les praticiens qui en avaient conseillé l’usage. Après un si grand nombre d’efforts inutiles, devant des insuccès si complets et si répétés, la science avait fini par se croire impuissante. En 1828, le ministre de la maison du roi envoya à l’Académie de médecine, une lettre adressée au roi Charles X, par un médecin anglais, M. Hickman, qui assurait avoir