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trouvé les moyens d’obtenir l’insensibilité chez les opérés. Cette communication fut très-mal accueillie, et, malgré l’opinion de Larrey, plusieurs membres de l’Académie s’opposèrent formellement à ce qu’il y fût donné suite. Ainsi on en était venu à regarder comme tout à fait insoluble, le problème de l’abolition de la douleur, et l’on croyait devoir condamner toutes tentatives de ce genre. On ne mettait pas même en pratique le précepte de Richerand, qui conseille de tremper le bistouri dans l’eau chaude pour en rendre l’impression moins douloureuse. Le découragement était si complet sous ce rapport, que l’on n’hésitait pas à engager pour ainsi dire l’avenir, et à conseiller sur ce point une sorte de résignation. C’est ce qu’indique le passage suivant du Traité de la médecine opératoire de M. Velpeau, publié en 1839 : « Éviter la douleur dans les opérations, dit M. Velpeau, est une chimère qu’il n’est pas permis de poursuivre aujourd’hui. Instrument tranchant et douleur, en médecine opératoire, sont deux mots qui ne se présentent point l’un sans l’autre à l’esprit des malades, et dont il faut nécessairement admettre l’association. »

Tel était l’état de la science, telle était la situation des esprits, lorsque, pendant l’année 1846, la méthode anesthésique fit tout d’un coup explosion. On comprend dès lors la surprise que durent éprouver les savants, à voir résolu d’une manière si formelle et si complète, un problème qui avait défié les efforts de tant de siècles, à voir positivement réalisée cette chimère depuis si longtemps abandonnée à l’imagination des poëtes. L’histoire de la découverte de l’éthérisation à notre époque, mérite donc une intention particulière. Les recherches qui l’ont amenée n’ont d’ailleurs rien de commun avec l’ensemble des moyens que nous venons de passer en revue, et qui se renfermaient tous dans le cercle de la médecine ou de la chirurgie. C’est en effet du laboratoire d’un chimiste qu’est sortie cette découverte extraordinaire qui devait exercer dans les procédés de la chirurgie une transformation si remarquable.


CHAPITRE II

agents anesthésiques dans les temps modernes. — expériences de davy sur le protoxyde d’azote.

On trouve dans l’histoire des découvertes contemporaines, quelques génies heureux qui ont eu le rare et étonnant privilége, de s’emparer, dès l’origine, de la plupart des grandes questions qui devaient plus tard dominer la science entière. Tel fut Humphry Davy, qui associa son nom et consacra sa vie à l’étude de la plupart des grands faits scientifiques qui occupent notre époque. Le premier, il comprit le rôle immense que devaient jouer dans l’avenir, les emplois chimiques de l’électricité, cet agent destiné à changer un jour la face morale du monde. Son nom se trouve le premier inscrit sur la liste des chimistes dont les travaux ont amené la découverte de la photographie : il a le premier soulevé la discussion des théories générales dont la chimie est aujourd’hui le texte ; enfin, à son début dans la carrière des sciences, il découvrit les faits extraordinaires qui devaient amener la création de la méthode anesthésique.

Comment Humphry Davy fut-il conduit à réaliser une découverte si remarquable ?

Davis Guilbert, l’un des membres les plus distingués de l’ancienne Société royale de Londres, passait un jour dans les rues de Penzance, petite ville du comté de Cornouailles, lorsqu’il aperçut, assis sur le seuil d’une porte, un jeune homme à l’attitude méditative et recueillie : c’était Humphry Davy, qui remplissait, dans la boutique de l’apothicaire Borlase, les modestes fonctions d’apprenti. Frappé de l’expression de ses traits, il l’aborda, et ne tarda pas à reconnaître en lui le germe des plus heureux