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malades peuvent, immédiatement après l’opération, raconter exactement leurs songes, ce souvenir est lui-même fugace, et si, quelques heures après, on les engage à renouveler leur narration, ils déclarent avoir tout oublié. Enfin il arrive souvent que les malades, pendant le cours des opérations, accusent, par leur agitation et leurs cris, l’existence de la douleur, et qu’à leur réveil ils affirment n’avoir rien senti. On a beaucoup discuté à cette occasion pour décider si, dans ce cas, la douleur était réelle ou si elle était simplement un effet de l’imagination. Il nous paraît établi que, dans ces circonstances, la douleur a positivement existé, et que son souvenir seul fait défaut. Lorsqu’on entend les cris, quand on est témoin de l’anxiété de certains opérés, il est difficile d’affirmer qu’il n’y ait point eu de douleur. M. Sédillot, M. Simonnin et M. Courty ont donné des preuves, selon nous sans réplique, de la vérité de ce fait.

Le retour de l’intelligence coïncide ordinairement avec celui de la sensibilité ; il le précède dans quelques cas plus rares. Alors la sensibilité reparaît pendant que le trouble de l’intelligence persiste encore, et les signes d’un léger délire se prolongent assez longtemps après le retour de la sensibilité. Cependant il est difficile de soumettre à des règles fixes, ces sortes de relations physiologiques, qui varient, avec les circonstances et selon les individus.

Nous n’avons rien dit, dans le cours de ce chapitre, des appareils qui servent à administrer au patient le chloroforme ou l’éther. C’est que la question des appareils, qui a joué un très-grand rôle pendant plusieurs années, et qui a nécessité beaucoup d’expériences et de recherches, a perdu aujourd’hui toute son importance. Nous devons pourtant en dire quelques mots.

Dans les premiers temps on fit usage, en Amérique, pour administrer l’éther, d’un flacon à deux tubulures, d’un simple flacon de Woolf, comme on l’appelle dans les laboratoires de chimie. Mais on n’administrait ainsi que des vapeurs pures d’éther sulfurique, non mélangées d’air, et l’on faisait courir au malade de véritables dangers. On l’exposait à l’asphyxie, car on ne peut jamais suspendre, sans menace de mort, l’admission, dans les poumons, de l’oxygène indispensable à la vie.

Dès que la méthode anesthésique fut importée en Europe, on construisit des appareils qui permettaient d’introduire dans les voies respiratoires, par l’inhalation, une certaine quantité d’air atmosphérique, mêlé aux vapeurs stupéfiantes. On se servait généralement, d’une sorte de carafe, portant deux tubulures. L’une de ces ouvertures recevait un tube, qui donnait accès à l’air extérieur, au moment de l’inspiration. À l’autre ouverture s’adaptait un tube de caoutchouc, terminé lui-même par une sorte de masque, pourvu d’une soupape, que l’on appliquait sur la bouche du malade. La soupape, formée d’une petite boule de liége, se déplaçait, au moment de l’expiration, et laissait sortir l’air respiré et chargé d’acide carbonique.

Cet appareil a été remplacé ensuite par un autre, plus perfectionné et que représente la figure 350. Il se compose, comme on le voit, d’un flacon d’étain A, dont la partie inférieure B, se dévisse, pour recevoir une éponge imbibée d’éther sulfurique. Dans la partie où existe le pas de vis, on a percé un certain nombre de trous, qui donnent accès à l’air extérieur. Cet air, en traversant le flacon, se charge d’une certaine quantité de vapeurs stupéfiantes. En dévissant plus ou moins la partie B, on peut augmenter ou réduire à volonté la quantité d’air qui traverse l’appareil.

Au-dessus du vase d’étain A, se trouve une soupape C, composée d’une boule de liége. Cette soupape se soulève au moment de l’expiration du malade, pour laisser sortir l’air respiré. Le tube DD, qui doit conduire dans les poumons l’air inspiré,