Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme un éclair jusqu’au mont d’Egiplanète, au delà des marais de Gorgopis, où les surveillants que j’avais placés, ont fait sortir d’un vaste bûcher des tourbillons de flamme, qui ont éclairé l’horizon jusqu’au delà du golfe Saronique, et ont été aperçus du mont Arachné. Là veillaient ceux du poste le plus voisin de nous, qui ont fait luire sur le palais des Atrides ce feu si longtemps désiré ! »

On ne saurait dire, avec certitude, si Eschyle rapporte en ces termes un fait historique, ou seulement le produit de son imagination. Mais ce passage du tragique grec suffit pour établir que l’emploi de signaux convenus d’avance pour annoncer une nouvelle, était alors bien connu. Eschyle n’aurait point parlé de ce fait, s’il n’eût été dans les habitudes de son temps.

On croirait, en effet, à lire les auteurs grecs, qu’aux temps primitifs de son histoire, la Grèce était couverte de tours et de phares destinés à produire ces « flammes messagères » dont parle Eschyle. On appelait pyrses (πυρσός) des feux que l’on apercevait, la nuit, par leur lumière, et le jour par leur fumée. On appelait phares (φάρος) les tours destinées à recevoir de plus grands feux ; phryctes (φρυϰτός) de petits signaux formés par les torches ; φρυϰτωρὸς et πυρσευτὴς la sentinelle qui veillait à ces feux ; πυρσεία, la dépêche elle-même, etc.

Les Grecs employaient encore, comme signaux, d’autres moyens que le feu. Ils faisaient usage de la voix, du bruit, de la fumée et des drapeaux. Ils appelaient σύμϐολα et σημεῖα, les signaux sonores ou oraux qui servaient à donner un mot d’ordre, et συνθήματα, les signes visibles qui se faisaient sans bruit, en agitant les mains ou certaines armes. Παρασυνθήματα σημεῖα désignaient des étendards ou des drapeaux. C’est surtout pendant la guerre que ces moyens étaient en usage.

Thucydide décrit des fanaux que l’on attachait au haut de grandes perches, et que l’on disposait le long des chemins, devant les villes assiégées, pour servir de signaux aux combattants. On s’en servit beaucoup pendant la guerre du Péloponèse, et lors du combat de Salamine.

Sur le promontoire de Sigée, à 75 stades de Ténédos, il existait une tour destinée à porter des fanaux.

Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte (285 ans avant J.-C.), fit élever beaucoup de tours semblables dans l’île de Pharos.

Pharos était une île voisine du port d’Alexandrie, qui fut jointe au continent par un môle. On construisit à la pointe de ce môle, une haute tour, au sommet de laquelle étaient entretenus, la nuit, des feux qui servaient à signaler le port aux vaisseaux. De là est venu, dans notre langue, le nom de phare.

Alexandre le Grand reçut d’un habitant de Sidon, la proposition de perfectionner les moyens de correspondance connus de son temps. Le Sidonien proposait au vainqueur de Darius, d’établir un système de communications rapides entre tous les pays soumis à sa domination. Il ne demandait que cinq jours pour lui donner des avis du lieu le plus éloigné de ses conquêtes dans l’Inde, jusqu’à la Macédoine. Alexandre regarda ce projet comme un rêve, et rejeta avec mépris l’offre de l’étranger. Celui-ci se retira donc. Mais à peine eut-il disparu, qu’Alexandre, réfléchissant aux résultats politiques et militaires qu’amènerait l’expédition prompte des ordres et des messages, ordonna de rappeler l’auteur du projet qu’il avait d’abord repoussé. Mais on ne put le retrouver, quelque recherche que l’on fît, et Alexandre se repentit d’avoir repoussé une proposition qu’il n’avait point examinée.

Æneas le tacticien, qui vivait 336 ans avant Jésus-Christ, avait imaginé plusieurs manières de faire passer des avis dans les camps. Polybe a fait connaître un des procédés télégraphiques inventés par Æneas, qui mérite d’être signalé, en raison de sa singularité.

On plaçait, à certaine distance, plusieurs personnes portant chacune un vase d’airain de même grandeur, et contenant une même