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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/96

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dant aux vingt-quatre lettres ; on aurait isolé les fils en les enfermant sur tout leur parcours, dans des tubes de verre.

L’appareil de Reiser n’était autre chose que le tableau magique de Franklin, produit à distance, au moyen d’un fil conducteur. Pour en comprendre le mécanisme il suffira donc de se reporter à la figure 256 du premier volume de cet ouvrage qui représente le tableau magique.

En Espagne, Bettancourt, ingénieur d’un grand mérite, et dont nous avons cité le nom dans l’histoire de la machine à vapeur et dans celle du télégraphe aérien, avait déjà essayé, en 1787, d’appliquer l’électricité à la production des signaux, en se servant des bouteilles de Leyde, dont il faisait passer la décharge dans des fils allant de Madrid à Aranjuez. Mais quelques années plus tard, la télégraphie électrique était beaucoup plus avancée dans le même pays. En 1796, François Salva établit à Madrid un véritable télégraphe électrique.

François Salva était un médecin catalan qui s’était acquis dans la Péninsule une grande réputation, par le courage et la persévérance qu’il avait montrés comme propagateur des progrès de la vaccine. Il lutta pendant toute sa vie, contre l’ignorance du peuple et l’entêtement des moines.

Ce médecin, qui savait, comme on le voit, reconnaître et propager les découvertes utiles, présenta à l’Académie des sciences de Madrid, un mémoire sur l’application de l’électricité à la production des signaux. Le prince de la Paix voulut examiner ses appareils, et charmé de la promptitude de leurs effets, il les fit fonctionner lui-même, en présence du roi. À la suite de ces essais, l’infant don Antonio, fils de Ferdinand, fit construire, dit-on, un télégraphe de ce genre, qui embrassait un espace étendu.

Toutefois, hâtons-nous de le dire, un télégraphe électrique, fondé sur l’attraction et la répulsion des corps électrisés, ne pouvait, dans aucun cas, être considéré comme un appareil utile. On pouvait en faire une curieuse machine de cabinet, un instrument propre à fournir quelques expériences intéressantes, mais il était impossible de songer à l’appliquer au dehors à une correspondance télégraphique. À la fin du dernier siècle, on ne connaissait encore que l’électricité statique, c’est-à-dire celle qui est dégagée par le frottement et fournie par les machines électriques. Mais l’électricité provenant de cette source, ne réside qu’à la surface des corps, et tend continuellement à s’en échapper. C’est une électricité animée d’une grande tension, comme on le dit en physique. Il résulte de là qu’elle abandonne les conducteurs sous l’influence des causes les plus indifférentes ; l’air humide, par exemple, suffit pour la dissiper. Un agent aussi difficile à contenir ne pouvait donc être utilisé pour le service de la télégraphie.

C’est dire assez que toutes les tentatives qui furent faites jusqu’à la fin du dernier siècle, pour plier l’électricité aux besoins de la correspondance, durent être frappées d’impuissance. Après trente ans de travaux inutiles, on abandonna cette idée comme impraticable ; on fut contraint d’en revenir aux signaux formés dans l’espace et visibles à de grandes distances.

C’est à cette époque, c’est à la suite de ces travaux infructueux, que fut découvert par Claude Chappe le télégraphe aérien dont nous avons raconté l’histoire dans la notice qui précède. Le système de Chappe devait succomber le jour où la science de l’électricité aurait fait assez de progrès pour permettre de créer un système mécanique applicable à l’exécution des signaux à grande distance. C’est dans cette période que nous allons entrer maintenant.