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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/103

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le gaz hydrogène sulfuré qui existe toujours, en faible proportion, dans l’atmosphère, transforme l’argent métallique en sulfure ; lequel, par l’oxygène de l’air, passe plus tard à l’état de sulfate, et disparaît par l’action de l’humidité atmosphérique, car ce composé est soluble dans l’eau. Il faut ajouter que les sels d’argent sont d’un prix assez élevé.

Par ces diverses considérations il était essentiel de chercher à remplacer les sels d’argent, pour le tirage des épreuves positives, par des substances tout à fait inaltérables à l’air.

Il n’est guère qu’une substance vraiment inaltérable : c’est le charbon. La typographie et la gravure ne font usage que de charbon pour leurs impressions ; l’encre d’imprimerie, ainsi que l’encre des graveurs, n’est autre chose que du charbon délayé dans des corps gras ; et, comme on le sait, les livres et les gravures bravent l’injure du temps et les outrages de l’air. C’était donc au charbon qu’il fallait s’adresser pour tirer les épreuves photographiques positives. Pour assurer la durée indéfinie des épreuves, il fallait substituer aux anciens systèmes des positifs par les sels d’argent, le tirage avec une encre à base de charbon.

C’est M. V. Regnault, de l’Institut, qui signala cette voie nouvelle à la photographie : elle ne tarda pas à réaliser ce perfectionnement utile.

La méthode qui est en usage pour tirer les positifs au charbon, est une application des découvertes de M. Alphonse Poitevin. Elle repose sur le principe de l’insolubilité dans l’eau, d’un mélange de gélatine et de bichromate de potasse, quand ce mélange a été touché par la lumière.

Le procédé pratique pour le tirage des positifs au charbon, consiste à tirer l’épreuve positive sur du papier enduit, au lieu de chlorure d’argent, de gélatine et de bichromate de potasse, le cliché négatif ayant été obtenu, d’ailleurs, par un procédé quelconque. Les parties de la gélatine qui sont soumises à l’action de la lumière, sont devenues insolubles dans l’eau ; dès lors, si l’on recouvre de charbon en poudre, de noir de fumée par exemple, le papier qui vient d’être impressionné, et que l’on soumette une pareille épreuve à un lavage par l’eau, les parties solubles de la gélatine se dissoudront, entraînant avec elles les particules de charbon qui s’y étaient déposées, tandis que celles qui sont devenues insolubles resteront sur le papier, retenant le charbon qui les recouvrait. Inutile d’ajouter que l’altération que subit la gélatine est d’autant plus profonde, que la lumière l’a plus vivement frappée ; de sorte que les parties de gélatine insoluble, et par suite les parcelles de charbon qui les couvrent, dépendent de l’intensité des lumières ou des ombres, et reproduisent ainsi les nuances, les oppositions de teintes, en un mot les ombres, les clairs et les demi-teintes. Sur des épreuves positives tirées au charbon, les nuances et les dégradations sont presque aussi exquises que sur les positifs tirés au chlorure d’argent.

Le tirage des positifs au charbon est employé aujourd’hui par un certain nombre de photographes, tant à cause de l’économie de ce système, que parce qu’il assure la conservation perpétuelle des images.

On doit à MM. Garnier et Salmon un autre procédé, qui dispense également de l’emploi des sels d’argent. On forme un mélange de bichromate d’ammoniaque et de sucre. À ce mélange, préalablement dissous dans l’eau, on ajoute de l’albumine. C’est ce composé définitif qu’on étend sur le papier, et qu’on recouvre ensuite de charbon extrêmement divisé. On soumet le papier, ainsi préparé, à l’action de la lumière à travers une épreuve négative ; on obtient ainsi l’image positive, qu’il n’y a plus qu’à laver. Comme dans le cas précédent, les parties non impressionnées se dissolvent, entraînant avec elles le noir qui les recouvre. Quant aux parties influencées, elles restent, en formant l’image à