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CHAPITRE XIII

un peu de théorie.

Après les chapitres consacrés à la description des opérations pratiques de la photographie, nous placerons quelques mots sur la théorie qui permet d’expliquer ces divers phénomènes. Il est, en effet, plus d’une de ces opérations dont l’explication est difficile, et sur laquelle physiciens et chimistes sont en dissidence complète. Il n’est donc pas hors de propos de toucher, en passant, à cette question.

Il y a, comme on vient de le voir, deux ordres bien distincts de phénomènes, dans les opérations photographiques : l’action des réactifs qui servent à développer ou à fixer l’image, et l’action de la lumière qui provoque sa formation sur la surface sensible. Les chimistes sont généralement d’accord sur l’explication à donner de l’action des réactifs, et nous avons présenté cette explication à mesure que nous parlions de chacun de ces réactifs. Le développement de l’image, par exemple, tient à ce que l’acide gallique forme avec l’oxyde d’argent un gallate d’argent noir et insoluble. Le fixage par l’hyposulfite de soude, ou le cyanure de potassium, s’explique par la solubilité de l’iodure, du bromure et du chlorure d’argent, dans l’hyposulfite de soude et dans le cyanure de potassium, etc.

Il est, au contraire, difficile d’expliquer d’une manière satisfaisante la formation de l’image dans la chambre obscure ; en d’autres termes, de dévoiler la véritable action de la lumière sur l’iodure et le bromure d’argent déposés sur le papier. Les théoriciens sont ici partagés en deux camps. Les uns admettent que la lumière agit chimiquement sur le corps sensible soumis à son influence ; les autres voient dans ce phénomène une action purement physique.

Les partisans de la première théorie expliquent la modification que le chlorure d’argent subit par l’action de la lumière, en disant que le chlorure d’argent passe d’abord à l’état de sous-chlorure, et que, la réduction continuant, il reste de l’argent réduit. Cet argent métallique n’est pas d’abord visible ; mais il le devient par l’emploi des réactifs spéciaux. Il se dépose par l’action de la lumière des molécules d’argent en quantité infiniment petite, ce qui explique pourquoi l’image n’est pas visible au sortir de la chambre obscure. Ensuite, les réactifs employés fournissent de nouvelles molécules d’argent, qui, en venant s’ajouter aux premières, rendent l’image visible.

Si cette théorie est exacte, Une exposition à la lumière plus longue qu’à l’ordinaire, doit rendre l’image visible avant le développement, et rendre inutile l’opération du développement. L’expérience suivante, due à M. Young, dépose en faveur de cette explication. On produit une image sur une glace albuminée et imprégnée d’un sel d’argent ; puis, sans développer cette image à l’aide d’aucun agent révélateur, on la fixe à l’hyposulfite de soude, et elle apparaît aussitôt. Voici l’explication de ce fait. L’exposition à la lumière étant assez longue par le procédé à l’albumine, la lumière provoque la réduction d’une plus grande quantité d’argent qu’à l’ordinaire ; dès lors, l’intervention des agents révélateurs, pour ajouter une nouvelle quantité d’argent, n’est plus nécessaire, l’image est immédiatement visible. Si l’on plonge l’épreuve dans la dissolution d’hyposulfite de soude, ce sel dissolvant la combinaison d’argent non altérée, respecte l’argent déposé par l’action de la lumière, et l’image apparaît sans l’intervention d’aucun révélateur.

À cette expérience, qui paraît convaincante, les partisans de l’action physique opposent une objection excellente. C’est qu’une glace collodionnée soumise à une exposition aussi longue qu’on le désire, ne donne jamais d’épreuve, sans l’intervention de l’agent révélateur. L’expérience de M. Young s’explique-