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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/17

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zeuse, soit en liqueur, n’ont laissé pour toute empreinte qu’une tache noirâtre, plus ou moins foncée, suivant la force du dissolvant. L’acide muriatique oxygéné est le seul dont on pourrait tirer parti ; mais il n’est décomposé par la lumière que lorsqu’il est uni à l’eau, et, dans cet état même, il n’agit pas sur les métaux avec assez d’énergie pour les creuser sensiblement ; car il ne produit aucune effervescence avec eux, et les oxyde comme ferait le foie de soufre, ce qui n’est pas notre affaire. Mais j’ai reconnu avec plaisir que, sans produire le bouillonnement incommode des autres acides, il attaque très-bien et d’une manière très-nette la pierre calcaire dont nous nous servons pour graver ; il l’attaque lentement, c’est-à-dire comme il le faut pour que l’influence de la lumière soit plus sensible, et que cet acide puisse creuser plus ou moins à raison de la différence des teintes.

« Je m’occuperai donc, toute affaire cessante, de préparer une de ces pierres qui remplacera le papier, et sur laquelle l’image colorée doit se peindre. Je la laisserai tremper quelque temps dans l’eau chaude, et ensuite je la mettrai en contact avec le gaz acide muriatique oxygéné qui, d’après mon procédé, communique dans l’intérieur de l’appareil. Je crois qu’à l’aide de cette disposition, on doit obtenir un résultat décisif, si, comme on n’en peut douter, l’acide en question est décomposé par la lumière, et si par là sa force dissolvante se trouve modifiée.

« Tu vois, mon cher ami, que depuis quelques jours je n’ai guère fait que battre la campagne, mais c’est toujours quelque chose que de multiplier les données qui peuvent conduire à la solution du problème proposé. Aussitôt que j’aurai trouvé quelque perfectionnement utile et vraiment propre à atteindre ce but, je m’empresserai de t’en instruire[1]. »

Mais ces nouvelles tentatives n’amenaient à aucun résultat, d’après les termes d’une autre lettre, en date du 2 juillet suivant :

« D’après des expériences réitérées, j’ai reconnu l’impossibilité de pouvoir fixer l’image des objets à l’aide de la gravure sur pierre par l’action des acides aidée du concours de la lumière. Ce fluide ne m’a paru avoir aucune influence sensible sur la propriété dissolvante de ces agents chimiques ; j’y ai donc entièrement renoncé ; et je doute fort que l’on eût pu par ce procédé faire ce que l’on peut faire avec la substance que j’emploie, puisqu’elle rend sensibles les différentes teintes que réfléchit l’enduit de la volière, qui est blanc dans certaines parties, et noir dans d’autres. Je fais dans ce moment de nouvelles recherches pour parvenir à fixer et à transposer les couleurs de l’image représentée. Le champ à parcourir est assez vaste, et je ne le quitterai pas que je n’aie épuisé toutes les combinaisons[2]. »

Fig. 4. — Joseph-Nicéphore Niépce.

Pendant près d’une année, Niépce paraît occupé d’autres travaux, car ce n’est que dans une lettre du 20 avril 1817, citée par M. Fouque, que l’on trouve signalée la reprise des travaux héliographiques, comme les appelle déjà le physicien de Châlon. Dans cet intervalle, il avait essayé d’appliquer sur la pierre d’autres substances, entre autres le chlorure d’argent, mais il n’avait pu rien obtenir. Il s’adressa alors à des matières organiques, c’est-à-dire à la résine de gaïac, qui, exposée à la lumière, par une cassure récente, prend, en quelques heures, une couleur verte. Bientôt, mécontent de cette substance, il s’adresse au phosphore, corps simple, qui, exposé à la lumière, noircit. Mais il se dégoûte de ce nouvel agent, parce qu’il trouve son effet insuffisant, et qu’il se brûle la main en maniant ce « dangereux combustible. »

  1. La Vérité, etc. p. 77, 81.
  2. Ibidem, p. 81, 82.