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tableaux de Paul Delaroche, est le célèbre Hémicycle de l’École des Beaux-Arts. Tout le monde connaît la magnifique gravure qui a été faite de cette œuvre, par un artiste de génie, Henriquel Dupont. Or, si l’on compare cette gravure avec la reproduction photographique du même tableau, due à M. Bingham, on demeurera convaincu que ce qui a traduit avec le plus de vérité, tant pour le détail matériel que pour la pensée de l’artiste, l’œuvre de Paul Delaroche, ce n’est point le burin, mais l’objectif. Et quand on y réfléchit, ce résultat s’explique. Plus un graveur a de talent, d’inspiration ou de génie, moins il se montre fidèle dans son imitation du maître, parce qu’il ajoute involontairement à la pensée de son modèle ; parce qu’il l’étend ou la modifie d’après l’impulsion irrésistible de sa pensée propre. Pour graver Raphaël, il faudrait un génie égal au génie de ce maître ; encore n’est-il pas bien sûr que cet imitateur sublime d’un peintre sublime n’ajoutât point à son travail des idées de son propre fonds. Quel graveur a surpassé Marc-Antoine Raimondi ? Peut-on dire pourtant que l’œuvre de Raimondi soit l’œuvre de Raphaël, et que le graveur ait rigoureusement reflété la pensée du peintre ? Ces considérations justifieront sans doute l’appréciation qui précède.

Après M. Bingham, MM. Bisson frères, M. Micheletz, MM. Jugelet, Collard, Richebourg et Bilordeaux, tiennent un rang distingué pour la reproduction des œuvres d’art.

M. Bilordeaux s’est fait une grande réputation par son Calvaire, une des plus belles, et peut-être la plus belle des reproductions héliographiques.

Puisque la photographie donne le moyen de reproduire tous les tableaux, une de ses applications les plus utiles serait de composer, en parcourant les différents musées de l’Europe, des fac-simile des œuvres des grands maîtres, pour en former une sorte de collection populaire, que chacun pût acquérir. Ce que la gravure n’a jamais pu faire, c’est-à-dire reproduire la série complète des œuvres d’un grand peintre, avec des conditions de bon marché pouvant seules assurer le succès de cette entreprise, la photographie peut le tenter. On commence, en effet, à entrer dans cette voie, bien qu’une entreprise commerciale de ce genre présente bien des difficultés et des chances contraires.

M. Fierlants, de Bruxelles, s’est proposé de reproduire héliographiquement les plus célèbres tableaux des maîtres du quinzième siècle, qui enrichissent les églises et les musées de la Belgique. On trouve dans la riche et abondante collection de M. Fierlants, plus de cent épreuves représentant des tableaux de Hemling, Le Maître, van Eyck, Hugo van der Goers, Mostaert et Roger van der Weyden. La Châsse de sainte Ursule, de Eyck, est le morceau le plus saillant de cette collection, qui décèle, par son ensemble, un véritable sentiment artistique et une grande habileté dans le maniement du procédé. M. Fierlants a joint à chaque planche d’ensemble, la reproduction, en grandeur naturelle, des figures les plus intéressantes du tableau ; ce qui donne une idée complète de la manière du peintre, et fait de cette collection le plus précieux document pour l’étude des anciens maîtres flamands.

Cette copie héliographique des œuvres de l’art ancien dans les Flandres avait déjà été essayée par un photographe français, M. le chevalier Dubois de Néhaut.

Un photographe de Milan, M. Sacchi, est entré avec succès dans la même voie, en reproduisant, sur une petite échelle, une suite de fresques et de tableaux de vieux peintres italiens. C’est là un grand service rendu aux arts, car ces fresques, aujourd’hui dans le plus triste état, sont bien près de disparaître. Le Mariage de la sainte Vierge, d’après Raphaël, qui se trouve dans le Musée de Milan, et différentes fresques par Bernar-