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Fig. 139. — Les Sarrasins lancent le feu grégeois contre les tours de bois et les ouvrages préparés par l’armée de saint Louis, pour le passage d’une branche du Nil (page 226).

Albert d’Aix raconte qu’au siége d’Assur, en 1099, pendant la deuxième croisade :

« Les Sarrasins embrasèrent une tour des chrétiens en lançant des pieux ferrés et pointus, entourés d’huile, d’étoupe, de poix, aliments d’un feu entièrement inextinguible par l’eau. Ils mirent encore le feu à une seconde tour en jetant de pareils pieux incendiaires ; aussitôt, de toute l’armée et des tentes, accoururent les hommes et les femmes, apportant chacun de l’eau dans leurs vases pour éteindre la machine. Mais cette grande quantité d’eau jetée dessus ne servit à rien, car cette espèce de feu était inextinguible par l’eau[1]. »

Pendant la troisième croisade, c’est-à-dire en 1191, les chrétiens assiégèrent Saint-Jean-d’Acre. Les Arabes firent de grands efforts pour défendre la place ; un écrivain arabe, Boha-Eddin, a écrit :

« Un jeune homme de Damas, fondeur de son métier, promit de brûler les tours des chrétiens si on lui fournissait le moyen d’entrer dans la place. La proposition fut acceptée, il entra dans Acre, et on lui fournit les matières nécessaires, il fit bouillir ensemble du naphte et d’autres drogues dans des marmites d’airain ; quand ces matières furent bien embrasées, qu’en un mot elles présentaient l’apparence d’un globe de feu, il les jeta sur une des tours, qui prit aussitôt feu. La deuxième tour s’enflamma aussi, puis la troisième. »

Un autre écrivain arabe, Ibn-Alatir, donne quelques détails de plus sur le même fait :

« L’homme de Damas, pour tromper les chrétiens, lança d’abord sur une des tours des pots de naphte et d’autres matières non allumées qui ne produisirent aucun effet. Aussitôt les chrétiens, pleins de confiance, montèrent d’un air de triomphe au haut de la tour et accablèrent les musulmans de railleries. Cependant l’homme de Damas attendait que la matière contenue dans les pots fût bien répandue. Le moment arrivé, il lança un nouveau pot tout enflammé. À l’instant le feu se communiqua partout, et la tour fut consumée.

« L’incendie fut si prompt que les chrétiens n’eurent pas même le temps de descendre ; hommes,

  1. Cité par M. Favé, Histoire des progrès de l’artillerie, t. III, p. 52, Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie.