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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/233

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tions les plus précises et les plus anciennes relatives à la préparation des mélanges incendiaires à base de salpêtre, et par conséquent analogues, par leurs effets explosifs, à ceux de notre poudre à canon actuelle. Nous croyons nécessaire de rapporter ici ce que Marcus Grœchus dit à ce sujet. Le texte latin de ce petit traité a été publié pour la première fois, en 1842, dans l’appendice du tome Ier de l’Histoire de la chimie de M. Hœfer.

Voici d’abord le passage du Liber ignium relatif à l’extraction et à la préparation du salpêtre qui forme l’ingrédient essentiel de ces mélanges.

« Le salpêtre est un minerai terreux, il se trouve dans les vieux murs et dans les pierres. On dissout cette pierre dans l’eau bouillante, ensuite on l’épure en la faisant passer sur un filtre ; en laissant déposer la liqueur pendant un jour et une nuit, tu trouveras au fond du vase le sel cristallisé en lamelles pointues[1]. »

Voici maintenant relaté l’emploi du salpêtre, pour composer une véritable poudre à base de salpêtre, et pour enfermer ce mélange dans un tube de carton, de manière à composer une fusée ou un pétard.

« Il y a deux compositions de feu volant dans l’air. Pour la première : Prenez une partie de colophane, une partie de soufre vif, deux parties de salpêtre ; broyez-les bien ensemble dans l’huile de lin ou de laurier, de telle sorte que les trois substances soient bien confondues ensemble et avec l’huile ; ensuite placez le mélange dans un tube ou dans un bâton creusé et allumez-le, il volera aussitôt vers le lieu que vous voudrez, et détruira tout par incendie.

« La seconde préparation de feu volant se fait ainsi : Prenez une livre de soufre vif, deux livres de charbons de tilleul ou de saule, six livres de salpêtre, et broyez les trois substances le plus fin possible dans un mortier de marbre ; ensuite vous mettrez cette poussière, suivant qu’il vous conviendra, dans une enveloppe à voler ou à faire tonnerre.

« L’enveloppe à voler doit être longue et mince ; on la remplit de la poudre ci-dessus décrite, très-tassée. L’enveloppe à faire tonnerre doit être courte, grosse et renforcée de toutes parts d’un fil de fer très-fort et bien attaché ; on ne la remplit qu’à moitié de la poudre susdite.

« Il faut à chaque enveloppe pratiquer une petite ouverture, pour recevoir l’amorce qui y mettra le feu. L’enveloppe de cette amorce, amincie à ses extrémités et large au milieu, est remplie de la poudre susdite.

« Le feu volant n’a pas besoin d’une enveloppe très-solide ; mais, pour faire tonnerre, il est utile de mettre plusieurs enveloppes l’une sur l’autre.

« On peut faire double tonnerre où double artifice volant : il suffit d’en préparer deux l’un dans l’autre[2]. »

Roger Bacon eut certainement connaissance du petit traité de Marcus Grœchus. On retrouve, en effet, dans les ouvrages de Roger Bacon les idées exprimées dans les passages que nous venons de citer de Marcus Grœchus. Le passage, bien souvent rapporté, dans lequel Roger Bacon parle de la poudre à canon, se trouve dans son ouvrage De secretis operibus artis et naturœ. Seulement, tandis que Marcus Grœchus parle très-clairement, et ne déguise rien dans les recettes qu’il rapporte, Roger Bacon, on ne sait pourquoi,

  1. « Nota quòd sal petrosum est minera terra, et reperitur in scopulis et lapidibus. Hæc terra dissolvitur in aquà bulliente, postea depurata et distillata per filtrum, et permittatur per diem et noctem integram decoqui, et invenies in fundo laminas salis coagulatas cristallinas. »
  2. « Nota quòd ignis volatilis in aere duplex est compositio.

    « Quorum primus est :

    « Recipe. partem unam colofoniæ, et tantum sulfuris vivi, partes vero duo salis petrosi ; et in eleo linoso vel lauri, quod est melius, dissolvantur bene pulverisata et oleo liquefacta. Postea in cannà vel ligno excavo reponatur et accendatur. Evolat enim subito ad quemcumque locum volueris, etomnia incendio concremabit.

    « Secundus modus ignis volatilis hoc modo conficitur :

    « Recipe. Acc. libr. i sulfuris vivi ; libr. ii carbonum tiliœ vel salicis ; vi libr. salis petrosi. Quæ tria subtilissimè terantur in lapide marmoreo. Postea pulvis ad libitum in tunicà reponatur volatili, vel tonitruum faciente.

    « Nota, quòd tunica ad volandum debet esse gracilis et longa, et cum praedicto pulvere optimè conculcato repleta. Tunica vero tonitruum faciens debet esse brevis et grossa, et praedicto pulvere semiplena, et ab utràque parte fortissimè fito ferreo bene ligata.

    « Nota, quòd in quàlibet tunicà parvum foramen faciendum est, ut tentà imposità accendatur, quæ tenta in extremitatibus fit gracilis, in medio verò lata et praîdicto pulvere repleta.

    « Nota, quòd ad volandum tunica plicaturas ad libitum habere potest : tonitruum vero faciens, quàm plurimas plicaturas.

    « Nota, quòd duplex poteris facere tonitruum atque duplex volatile instrumentum : videlicet tunicam includendo. »