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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/242

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lon, par un metteur en œuvre qui ne le cherchait certainement pas et qui travaillait au Havre à des pierres de composition. Mon témoignage à cet égard est irrécusable, car c’est moi qui ai rédigé le Mémoire au conseil, par lequel cet honnête artiste faisait hommage au roi de sa funeste découverte, lui demandait ses ordres, et offrait d’enfermer dans un canon de bois, qu’un seul homme pourrait porter, sept cents flèches remplies de sa composition, lesquelles s’enflammeraient, éclateraient et mettraient le feu en tombant. Cet appareil et le canon de bois, qui devaient porter le feu grégeois à huit cents toises étaient de l’invention de l’artificier Torré[1]. »

Toutefois cette idée n’a jamais eu de suite.

Il en a été autrement de l’invention du mécanicien Chevallier, sur laquelle la fin tragique de son auteur appela quelque temps l’attention du public.

Chevallier, ingénieur et mécanicien de Paris, avait réussi à préparer des fusées incendiaires qui brûlaient dans l’eau, et dont l’effet était, dit-on, aussi sûr que terrible. Les expériences, faites le 30 novembre 1797 à Meudon et à Vincennes, en présence d’officiers généraux de la marine, et reprises à Brest, le 20 mars suivant, montrèrent que ces fusées, qui avaient quelques rapports avec nos fusées modernes à la Congrève, reproduisaient une partie des effets que l’on rapporte communément au feu grégeois.

Chevallier s’occupait à perfectionner ses compositions incendiaires, lorsqu’il périt victime d’une fatale méprise. Depuis le commencement de la Révolution, il s’était fait remarquer par l’exaltation de ses idées républicaines ; en 1795, il avait déjà été arrêté comme agent d’un complot jacobin et mis en liberté à la suite de l’amnistie de l’an IV. En 1800, dénoncé à la police ombrageuse de l’époque comme s’occupant dans un but suspect, de fusées incendiaires et de préparations d’artifices, il fut emprisonné sous la prévention d’avoir voulu attenter aux jours du premier consul. Cette affaire ne pouvait avoir aucune suite sérieuse, et Chevallier s’apprêtait à sortir de prison, lorsque, par une coïncidence déplorable, arriva l’explosion de la machine infernale. Chevallier n’avait eu évidemment aucune relation avec les auteurs de ce terrible complot ; cependant il fut traduit quelques jours après devant un conseil de guerre, condamné à mort, et fusillé le même jour à Vincennes.

Les essais entrepris par le célèbre chimiste Berthollet, en 1788, pour remplacer le salpêtre de notre poudre à canon par le chlorate de potasse, ont un caractère scientifique sérieux, et sont plus connus que les faits précédents.

En étudiant les combinaisons oxygénées du chlore, Berthollet avait découvert les chlorates, sels très-remarquables par leurs propriétés chimiques. Les chlorates sont des composés qui se détruisent avec une facilité extraordinaire ; et comme ils renferment une très-grande quantité d’oxygène, cette prompte décomposition fait de ce genre de sels un des agents de combustion les plus actifs que l’on possède en chimie.

Quelques détails sur la préparation et les propriétés des chlorates ne seront pas ici déplacés, car le chlorate de potasse a reçu de nos jours plusieurs emplois dans l’artillerie, et il entre notamment dans la composition des capsules fulminantes.

Le chlorate de potasse se prépare, comme le fit le premier, Berthollet, en faisant passer du chlore dans une dissolution concentrée de potasse ou de carbonate de potasse. La réaction qui se passe entre le chlore et la potasse est très-nette ; le chlore porte son action à la fois sur l’oxygène et le potassium, il forme avec le premier de l’acide chlorique et avec le second du chlorure de potassium. C’est ce que montre l’équation chimique suivante :

Nous supposons ici que l’on agit sur une dissolution de potasse pure ; la réaction serait

  1. Essai sur de prétendues découvertes nouvelles, in-8, 1803.