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été fournis par la décomposition des végétaux. Certains terrains sont même assez riches en salpêtre pour qu’il suffise de lessiver les terres avec de l’eau chaude, pour en extraire ce sel, et en faire une exploitation régulière. On trouve des masses considérables de salpêtre accumulées dans le sol de certaines parties de l’Espagne, de l’Égypte, de l’Inde et de l’Amérique méridionale.

Le salpêtre est si abondant dans le sol de certaines contrées de l’Inde, qu’il suffit, pour le recueillir, de balayer la terre avec de longs balais, ou houssines : d’où le nom de salpêtre de houssaye. Ce salpêtre arrive en Europe en petits cristaux aiguillés, d’un blanc grisâtre ; mais il est très-impur.

Au milieu des déserts de l’Afrique, le major Gardon Laing a observé qu’au moment le plus froid de la journée, c’est-à-dire au lever du soleil, la terre se couvre d’une couche de nitre. La présence du salpêtre dans ces déserts semble prouver qu’à une époque distante d’un nombre de milliers d’années qu’on n’ose calculer, toute la partie de l’Afrique, aujourd’hui occupée par des sables, aurait été couverte d’une végétation luxuriante.

En réalisant artificiellement les conditions les plus favorables à la production du salpêtre, et en les exagérant, on est arrivé à créer les nitrières artificielles. On nomme ainsi des fosses remplies d’un mélange grossier de plâtre ou de terres calcaires, avec des débris de substances animales et végétales en putréfaction. Cette industrie existe en Normandie, en Suisse et en Suède. Dans les bergeries de l’Appenzell, les détritus organiques sont rassemblés, et par une disposition spéciale qui assure au mélange de ces matières, un accès abondant d’air atmosphérique, on arrive à fabriquer, avec bénéfice, du salpêtre artificiel.

Cependant cette industrie est assez peu rémunératrice. C’est que le salpêtre se forme naturellement avec tant d’abondance et de facilité, qu’il est superflu de recourir à l’intervention de l’art. Les vieux plâtras de démolition, — et Dieu sait si de nos jours, les matériaux de démolition, font défaut ! — sont chargés de sels nitreux. Il suffit de se procurer ces matériaux, de les lessiver comme il sera dit plus loin, pour se procurer une abondante récolte de ces sels.

Nous allons exposer, avec quelque attention, les procédés qui sont suivis en France, pour retirer le salpêtre des plâtras ou des vieux matériaux de démolition. Il faut seulement savoir, pour comprendre les opérations que nous allons décrire, que le salpêtre, c’est-à-dire l’azotate de potasse, n’existe pas seul dans ces plâtras ; il n’en forme même que la plus minime partie. L’acide azotique se trouve combiné surtout à la chaux et à la magnésie. De là résulte la nécessité d’une opération chimique, consistant à transformer en azotate de potasse, c’est-à-dire en salpêtre proprement dit, les azotates de chaux et de magnésie qui existent dans les vieux plâtras. Cette transformation s’opère avec une dissolution de carbonate de potasse, qui, agissant sur les azotates de chaux et de magnésie, préalablement enlevés aux plâtras par l’eau bouillante, produit des carbonates de chaux et de magnésie insolubles, et de l’azotate de potasse, qui reste dissous, et qu’il n’y a plus qu’à recueillir par l’évaporation du liquide et par la cristallisation.

Après cette explication, les opérations relatives à l’extraction du salpêtre seront facilement comprises.

La première opération consiste à lessiver, par l’eau froide, les plâtras, pour leur enlever les azotates de chaux, de magnésie et de potasse, qu’ils contiennent. On place les matériaux salpêtrés, quelle qu’en soit la provenance, dans des cuves de bois, ou dans des tonneaux défoncés par un bout, et dont le fond conservé est percé d’un trou, que l’on tient bouché. Le tonneau est porté sur un trépied, pour faciliter l’écoulement du liquide. On laisse digérer l’eau pendant un ou deux jours ; puis, plaçant à l’orifice, un