Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

décor du second acte de Calas, du Belvédère, des Machabées, etc., firent une révolution dans l’art de la peinture théâtrale.

Outre cela, Daguerre était excellent danseur ; il avait la passion de l’art qui illustra Vestris. Il aimait à se mêler, pendant les répétitions, et même les représentations de l’Opéra, aux groupes chorégraphiques, et plus d’une fois on put l’admirer sans que son nom fût sur l’affiche. Il paraissait incognito dans les féeries ; il dansait par amour de l’art, et recueillait pour son plaisir les applaudissements de la salle. Il était même excellent acrobate, et aimait à faire son entrée dans un salon d’artiste, la tête en bas, en marchant sur les mains. C’était, on le voit, un homme de fantaisie.

Cependant son esprit ne pouvait se contenter longtemps des travaux de peintre décorateur, ni de ces amusements de jeunesse. Il y avait alors, à Paris, un peintre aujourd’hui tout à fait oublié, mais qui fut un moment le rival d’Horace Vernet : c’était Bouton. Daguerre s’associa à lui, et tous deux inventèrent une véritable merveille, qui reçut le nom de Diorama.

Le 1er juillet 1822, le public se rendait en foule à l’ouverture d’un établissement nouveau situé sur les boulevards, et dont quelques personnes privilégiées, qui avaient pu en jouir par avance, avaient raconté les surprises merveilleuses. Pendant plusieurs années ce spectacle fut l’objet d’une admiration universelle. C’étaient d’immenses toiles, d’un fini d’exécution parfait et qui représentaient la nature avec une prodigieuse vérité.

Mais ce n’était là que l’une des faces de ce spectacle nouveau. L’intérêt particulier et la nouveauté de ce spectacle, c’était le changement graduel de scènes, qui se fondaient, pour ainsi dire, les unes dans les autres, pour se remplacer sous les yeux du spectateur, sans aucun changement apparent. On entrait, et l’on se voyait, par exemple, devant la vallée de Sarnen, en Suisse. Un instant après, grâce à un simple changement dans la manière d’éclairer le tableau, changement dont le spectateur n’avait aucunement conscience, on se trouvait en face d’une chapelle, aux vitraux gothiques, dont la cloche, tintant avec régularité, invitait à la prière. Ce n’était plus un paysage, c’était une chapelle : la chapelle d’Holyrood et le tombeau de Charles X.

Apparaissait ensuite une tranquille vallée de la Suisse : la vallée de Goldau. C’était un lac paisible, dormant au-dessous d’une montagne couverte de sapins et baignant les dernières maisons d’un village. La tranquillité de cette scène champêtre, l’harmonie et la vérité du tableau, transportaient le spectateur au milieu des plus riantes scènes de la nature. Mais tout à coup, le ciel s’assombrissait ; une violente secousse ébranlait la montagne, qui s’abattait tout entière sur le malheureux village, et couvrait la moitié du lac de ses débris. Au lieu de la scène paisible et sereine de tout à l’heure, on avait sous les yeux le spectacle confus de la destruction et des ruines : c’était l’éboulement de la montagne dans la vallée de Goldau.

Une autre fois c’était la basilique de Saint-Pierre qui se montrait aux yeux des spectateurs ; puis insensiblement l’église métropolitaine de la chrétienté, disparaissait, pour faire place à une vue de la campagne romaine[1].

  1. Les deux sujets qui devaient se remplacer sous les yeux du spectateur, étaient peints de chaque côté de la même toile, et c’est en éclairant cette même toile par devant, ensuite par derrière, que la première scène, devenant invisible, laissait apparaître la seconde seulement. Là était le secret de l’invention de Bouton et Daguerre.

    Nous avons pensé qu’on ne lirait pas sans profit ni sans intérêt la description de la manière d’exécuter et d’éclairer ces tableaux. Nous allons donc reproduire la notice que Daguerre publia pour divulguer son procédé, après la récompense nationale qu’il reçut, en 1839, du gouvernement français, et qui s’appliquait à la découverte du diorama en même temps qu’à celle de la photographie.

    Voici donc cette notice qui a pour titre : Description des procédés de peinture et d’éclairage inventés par Daguerre, et appliqués par lui aux tableaux du diorama.

    procédé de peinture

    « La toile devant être peinte des deux côtés, ainsi qu’éclairée par réflexion et par réfraction, il est indispen-