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gaz dilatés fournissent, d’après le capitaine Brianchon, 4 000 fois le volume de la charge de poudre. Et si, comme l’admet M. Henri Sainte-Claire-Deville, les éléments de l’eau se séparent, se dissocient à la température de la fusion de l’argent, c’est-à-dire vers 1 000 degrés ; si l’hydrate de potasse n’existe plus à la température de la fusion de la fonte, c’est-à-dire vers 1 200 degrés, il est probable que non-seulement le volume fourni par les gaz doit s’augmenter par suite de la séparation de leurs éléments, mais encore que les produits solides doivent être volatilisés et décomposés comme les produits gazeux ; de telle sorte qu’il faudrait estimer beaucoup plus haut que ne le faisait le capitaine Brianchon, le volume fourni par la gazéification de la poudre qui détone.

Ce qui prouve que les produits solides sont tout au moins volatilisés au moment de l’explosion, c’est que lorsqu’on enflamme une bonne poudre, déposée sur une feuille de papier blanc, elle n’y laisse, après avoir brûlé, aucune trace de matière solide.

Une expérience de Rumford prouve le fait d’une manière plus frappante. Rumford plaçait une charge de poudre dans un canon en fer, dont l’orifice était fermé par la superposition d’un poids considérable. Quand la violence de l’explosion soulevait ce poids, tous les produits s’échappaient ; quand, au contraire, le canon fermé ne laissait rien sortir, on trouvait, après le refroidissement, la somme exacte des produits solides composant la poudre primitive, déposés sur les points des parois les plus éloignés du lieu d’application de la chaleur.

L’évaluation précise de la température produite par l’explosion de la poudre, est fort difficile, car cette température varie, dans les expériences, suivant la quantité de poudre sur laquelle on opère. Quoi qu’il en soit, elle doit être placée entre la température de fusion du cuivre jaune ou laiton et celle du cuivre rouge, car des rognures du premier métal mêlées à la poudre qui détone, se retrouvent constamment fondues, tandis que celles du second ne le sont que rarement. C’est ce qui a fait évaluer la température de l’explosion de la poudre à plus de 2 400 degrés.

Les divergences d’opinion qui règnent sur le volume gazeux produit par l’inflammation de la poudre, ont pour conséquence des différences semblables dans l’appréciation de la force balistique. S’il ne s’agissait que de gaz permanents, c’est-à-dire non susceptibles de se liquéfier, on pourrait avoir une évaluation fort approchée, parce que la tension de ces gaz est à peu près proportionnelle à l’accroissement de la température ; mais il s’agit ici d’un mélange de gaz et de vapeurs, dans des rapports inconnus, puisqu’on ignore si ces vapeurs sont ou non décomposées en leurs éléments gazeux. Dans l’hypothèse où les corps subsistent à l’état de vapeurs, non décomposées en leurs éléments, la tension de ces vapeurs ne peut être que bien difficilement évaluée, parce qu’aucune expérience jusqu’ici ne nous a fait connaître comment se dilatent les vapeurs à de si hautes températures. Enfin, dans l’hypothèse où l’on admet que les vapeurs sont elles-mêmes réduites à leurs éléments constitutifs, qu’elles sont transformées en leurs composants gazeux, on ignorerait encore à quelles températures, et dans quel ordre s’opérerait la destruction des différentes vapeurs.

Les plus petites circonstances ont une influence considérable sur la force d’expansion de la poudre. Plusieurs livres de poudre enflammée sur une table légère en bois, ne produisent qu’une faible dépression de la planche ; tandis que si l’on enveloppe la même quantité de poudre d’une feuille de papier, la table est complétement brisée.

Ainsi s’expliquent les grandes divergences d’opinions qui se sont produites chez les hommes de l’art, sur la question de la force mécanique développée par l’explosion de la poudre.

Les évaluations extrêmes sont celles de