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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/279

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La facilité avec laquelle elle se réduit en poussier pendant les transports et même dans les magasins, est un autre inconvénient de la poudre. Après un voyage de 440 kilomètres au pas, ou de 210 kilomètres au trot, les poudres ordinaires donnent de 1,3 à 1,5 pour 100 de poussier. Or, la présence du poussier augmente considérablement les chances d’explosion.

Citons encore, parmi les inconvénients de la poudre, la fumée épaisse qui se produit pendant les décharges de mousqueterie. Cette fumée a le double inconvénient de nuire à la précision du tir, et de montrer à l’ennemi le point vers lequel il doit diriger ses coups.

L’encrassement qu’elle produit dans les armes, est un autre défaut de la poudre. Il oblige à faire des projectiles d’un diamètre plus petit que le diamètre de l’arme, afin que l’encrassement croissant, l’arme puisse encore se charger un certain nombre de fois. Il résulte de là qu’une grande quantité de gaz s’échappe par le vent qui reste autour du projectile, sans produire d’effet utile. Le tir perd ainsi toute certitude, puisque deux coups ne peuvent se suivre dans des conditions semblables. De plus, l’encrassement empêchant le projectile d’arriver au fond du canon, fait quelquefois éclater les armes.

Citons encore les gaz délétères produits par la combustion de la poudre, comme l’hydrogène sulfuré, l’oxyde de carbone, ainsi que le sulfure de potassium et le sulfocyanure de potassium volatilisés, qui, respirés, causent la maladie des mineurs.

Signalons enfin la destruction rapide des armes, soit par l’effet brisant de la poudre, soit par l’effet corrosif de quelques-uns des produits de sa combustion.

Ainsi, au prix de tant de peines et de dangers, on n’est arrivé, en fin de compte, qu’à obtenir une poudre de guerre qui a autant de défauts que d’avantages, et qui fait payer chèrement les services qu’elle rend. Serait-ce le cas de dire, avec le chimiste Proust, que l’humanité n’a pas encore inventé la poudre ?


CHAPITRE IX

le fulmi-coton. — m. schönbein. — travaux chimiques qui ont amené la découverte du fulmi-coton. — histoire de la xyloïdine. — recherches de pelouze. — accueil fait à la découverte du fulmi-coton.

Les perfectionnements apportés à la fabrication et aux divers emplois de la poudre à canon, n’ont marché qu’avec une lenteur extrême ; il a fallu quatre siècles pour amener à sa situation présente l’art de la fabrication et de l’emploi des poudres de guerre. Nous avons rapporté, dans les premiers chapitres de cette Notice, l’histoire de la poudre à canon jusqu’au commencement de notre siècle, c’est-à-dire jusqu’à l’essai malheureux, fait par Berthollet, des poudres à base de chlorate de potasse. C’est là le dernier épisode de l’histoire des poudres de guerre. Pour compléter cette histoire, pour arriver au seul fait important qui l’ait signalée depuis, nous devons passer à l’année 1846.

Dans les derniers mois de 1846, les journaux commencèrent à s’occuper d’une découverte des plus singulières. Un chimiste de Bâle avait, disait-on, trouvé le moyen de transformer le coton en une substance jouissant de toutes les propriétés de la poudre. On avait fait à Bâle, des expériences qui ne pouvaient laisser aucune place au doute : avec une petite boulette de coton offrant l’aspect ordinaire, on avait chargé des armes et obtenu ainsi tous les effets explosifs de la poudre. On prêtait à cette substance nouvelle des propriétés merveilleuses : elle pouvait impunément être plongée dans l’eau et y séjourner très-longtemps ; elle reprenait, en séchant, ses propriétés primitives, —