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nal. M. Bœttger, de Francfort-sur-le-Mein, qui avait l’un des premiers pénétré le secret de M. Schönbein, s’était associé à lui pour l’exploitation du nouveau produit. La diète germanique, afin de constater les droits du pays à cette découverte, accorda, comme récompense, aux deux associés, une somme de 260 000 francs. Dès lors M. Schönbein put parler. Il va sans dire que ce qu’il révéla touchant la poudre-coton était parfaitement conforme à tout ce que l’on avait annoncé et écrit depuis six mois.

Comme nous ne voudrions pas être taxé d’injustice dans la partie de ce récit qui concerne M. Schönbein, nous rapporterons, les termes mêmes du mémoire explicatif que le chimiste de Bâle a publié pour faire connaître la part qu’il a prise à la découverte de la poudre-coton. L’apologie de l’auteur, faite par lui-même, ne contredit, comme on va le voir, aucune des assertions contenues dans notre récit.

Dans une Notice sur la découverte du fulmi-coton publiée à Bâle, le 26 décembre 1846, M. Schönbein, après quelques considérations de chimie pure, que nous omettons, s’exprime ainsi :

« Mes expériences sur l’ozone ayant fait voir que ce corps, que je considère comme un peroxyde d’hydrogène d’espèce à part, forme, ainsi que le chlore, à la température ordinaire, un composé particulier avec le gaz oléifiant, sans exercer, à ce qu’il paraît, la plus légère oxydation sur l’hydrogène non plus que sur le carbone de ce gaz, j’ai eu l’idée qu’il ne serait pas impossible que certaines matières organiques, exposées à une basse température, formassent aussi des combinaisons, soit avec le peroxyde d’hydrogène seul, qui, dans mon hypothèse, se trouve à l’état de combinaison ou de mélange dans le mélange acide, soit avec NO4. C’est cette conjecture, bien singulière sans doute aux yeux des chimistes, qui m’a principalement engagé à commencer des expériences avec le sucre ordinaire.

« J’ai fait un mélange d’un volume d’acide nitrique de 1,5 pesanteur spécifique, et de deux volumes d’acide sulfurique de 1,85, à la température de + 2° ; j’y ai mis du sucre en poudre fine, de manière à former une bouillie très-fluide. J’ai remué le tout, et, au bout de quelques minutes seulement, la substance sucrée s’est réunie en une masse visqueuse entièrement séparée du liquide acide, sans aucun dégagement de gaz. Cette masse pâteuse a été lavée à l’eau bouillante, jusqu’à ce que cette dernière n’ait plus exercé de réaction acide ; après quoi je l’ai dépouillée, autant que j’ai pu, sous l’action d’une douce température, des particules aqueuses qui s’y trouvaient encore. La substance que j’ai obtenue alors possède les propriétés suivantes. Exposée à une basse température, elle est compacte et cassante ; à une température douce, on peut la pétrir comme de la résine de jalap, ce qui lui donne un éclat soyeux magnifique. Elle est à moitié liquide à la température de l’eau bouillante ; à une température supérieure, elle dégage des vapeurs rouges ; chauffée davantage encore, elle s’enflamme subitement et avec violence sans laisser de résidu sensible. Elle est presque insipide et incolore, transparente comme les résines, à peu près insoluble dans l’eau, mais facilement soluble dans les huiles essentielles, dans l’éther et l’acide nitrique concentré.

« J’ai voulu faire aussi des expériences avec d’autres matières organiques, et tout aussitôt j’ai découvert, les unes après les autres, toutes les substances dont il a été si fréquemment question dans ces derniers temps, surtout à l’Académie de Paris. Tout cela se passait en décembre 1845 et dans les deux premiers mois de 1846. J’envoyai en mars des échantillons de mes nouvelles combinaisons à quelques-uns de mes amis, en particulier à MM. Faraday, Herschel et Grove. Il est tout au plus nécessaire de noter expressément que le coton à tirer faisait partie de ces produits ; mais je dois ajouter qu’il était à peine découvert que je m’en servis pour des expériences de tir, dont le résultat fut si heureux, que j’y trouvai un encouragement à les continuer. Sur l’obligeante invitation qui me fut faite, je me rendis, vers le milieu d’avril, en Wurtemberg, et j’y fis des expériences avec le coton à tirer, soit dans l’arsenal de Ludwigsburg, en présence d’officiers supérieurs d’artillerie, soit à Stuttgard, devant le roi même. Dans le courant des mois de mai, juin et juillet, j’ai fait ensuite, dans cette ville même (Bâle), avec la bienveillante coopération de M. le commandant de Mechel, de M. Burkhardt, capitaine d’artillerie, et d’autres officiers, de nombreuses expériences avec des armes de petit calibre, telles que pistolets, carabines, etc., puis aussi avec des mortiers et des canons ; expériences auxquelles M. le baron de Krüdener, ambassadeur de Russie, a plusieurs fois assisté. C’est moi-même, qu’on me permette de le dire, qui ai mis le feu à la première pièce de canon chargée avec du coton à tirer et à boulet, le 28 juillet, si je ne me trompe, après que nous nous étions déjà assurés, par des essais avec des mortiers, que la substance en question pouvait servir aux armes de gros calibre.

« Vers la même époque, et antérieurement déjà, je me servis du coton à tirer pour faire sauter des ro-