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ayant été calculé, quant à sa résistance, sur la force explosive de l’ancienne poudre, il est évident qu’il ne pourrait s’accommoder de la force d’expansion beaucoup plus grande qui appartient au fulmi-coton. Pour consacrer ce nouveau produit aux usages de la guerre, il faudrait donc réformer toute notre artillerie, c’est-à-dire fabriquer des canons et des fusils beaucoup plus épais que ceux d’aujourd’hui. Ce n’est là sans doute qu’un défaut relatif : il tient à la quantité de notre matériel de guerre. Cependant il a paru constituer un inconvénient assez grave pour que l’on ait renoncé en France à l’emploi du fulmi-coton.

Outre ses effets destructeurs sur les armes qui composent notre matériel de guerre actuel, le fulmi-coton présente un autre inconvénient grave. Il s’altère spontanément ; il est peu stable. Ses éléments paraissent avoir une tendance particulière à se dissocier ; de là des altérations diverses et un commencement de décomposition dans les produits conservés un certain temps. D’après M. Maurey, la poudre-coton placée dans un lieu bien sec, et tenue dans des barils fermés à l’abri de l’action de l’air, présente néanmoins, au bout de huit à dix mois, des signes d’altération. La masse s’est humectée, elle répand une odeur piquante, elle s’est ramollie, et quelquefois presque réduite en pâte. Cette décomposition peut s’accompagner d’un dégagement de chaleur, et s’il arrive que la masse en travail soit considérable, l’échauffement peut aller au point de provoquer son inflammation.

L’instabilité des éléments du pyroxyle se manifeste de plusieurs manières : tantôt par des décompositions lentes et humides ; tantôt par des explosions spontanées, incomplètes ; enfin, par de véritables inflammations spontanées.

M. Maurey observa des effets d’altération sur plusieurs échantillons conservés dans des barils et en lieu sec : dans les uns, au bout de trois mois et demi ; dans les autres, au bout de neuf mois. Une odeur piquante s’y était développée ; tous contenaient de l’acide formique et une certaine quantité d’humidité. Dans les plus humides, on reconnaissait que les filaments avaient éprouvé un commencement de désorganisation.

Les pyroxyles fabriqués dans les acides neufs étaient les moins altérés ; ils imprimaient encore à la balle d’assez bonnes vitesses, avec les d’humidité dont ils étaient imprégnés, après quatre mois et demi de séjour en magasin. Ceux qui provenaient des acides vieux avaient pris, dans le même laps de temps, d’humidité ; en les faisant sécher, on leur rendait leur énergie primitive. Mais les échantillons fabriqués dans les acides non ravivés, et qui s’étaient chargés de 11,50 pour 100 d’humidité en huit mois et demi, avaient beaucoup perdu de leur force balistique. Essayés humides, ils ne pouvaient lancer la balle jusqu’au but.

M. Maurey, dans le mémoire auquel nous empruntons ces détails, raconte un exemple d’explosion spontanée d’un échantillon de pyroxyle conservé dans un flacon de verre. On avait placé sur une étagère du laboratoire, ce flacon, contenant quelques grammes de pyroxyle, qui avait été mis en réserve parce qu’on le considérait comme excellent. Trois mois après, on eut l’idée de l’examiner, et l’on fut surpris de trouver le bouchon à terre : il avait été lancé en l’air par les gaz formés pendant sa décomposition spontanée. Le produit primitif s’était changé en une matière molle, un peu élastique, d’une odeur acide désagréable, et rougissant fortement le papier de tournesol.

On reboucha le flacon, et l’on reconnut qu’il continuait à se dégager, du résidu, du gaz bioxyde d’azote. Il y eut même, plusieurs mois après, par une chaude journée d’été, une seconde projection du bouchon.

Une observation analogue a été faite à Montreuil, sur du pyroxyle à base de lin, qui