Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/303

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dement sur la poudre prussienne. Dans un mémoire, qui a été traduit en français, l’inventeur, M. Édouard Schultze, ancien capitaine d’artillerie au service de la Prusse, fait un pompeux éloge de son produit, et assure qu’il présente de grands avantages sur la poudre noire[1]. Seulement il néglige de nous dévoiler la composition de cette nouvelle poudre, ce qui enlève à ses dires toute valeur et tout intérêt. Moins discret que l’inventeur, nous ferons connaître ici la véritable nature de la poudre de M. Schultze.

C’est de la sciure de bois rendue fulminante par son immersion dans un mélange d’acides sulfurique et azotique ; c’est du fulmi-bois, ou pour employer un terme chimique, de la fulmi-cellulose, préparée comme le fulmi-coton. Voici la manière d’opérer.

On prend de la sciure de bois de sapin ou de chêne, et on la débarrasse des substances résineuses et autres, étrangères à la cellulose, par les moyens que l’on trouve décrits dans les traités de chimie, et qui consistent à traiter alternativement cette sciure de bois par l’eau de chlore et les alcalis caustiques, puis par des acides affaiblis. Quand elle a été traitée par ces divers agents chimiques, la sciure de bois, lavée à grande eau, constitue de la cellulose presque chimiquement pure. Avec cette cellulose, M. Schultze prépare une cellulose fulminante, en l’immergeant dans le mélange d’acides sulfurique et azotique, comme s’il s’agissait de préparer du fulmi-coton.

Pour augmenter sa propriété explosive, on imprègne le fulmi-bois d’une certaine quantité de salpêtre ou d’azotate de baryte. Cette addition ne se fait, toutefois, qu’au moment de faire usage de la poudre. Jusque-là l’inventeur conseille de conserver dans les magasins le fulmi-bois, qui est inaltérable, et n’est pas sujet comme le fulmi-coton à des explosions instantanées Telle est la poudre Schultze.

Cette poudre, n’étant autre chose au fond qu’une variété de fulmi-coton, présente tous les inconvénients du fulmi-coton, avec quelques-uns de ses avantages. On peut la conserver sous une forme légèrement explosive, par conséquent peu dangereuse, jusqu’au moment de l’employer. Ce n’est que lorsqu’on veut s’en servir qu’on fait l’addition du salpêtre ou de l’azotate de baryte, qui augmentent notablement ses propriétés explosives. Cette circonstance peut avoir son utilité. Seulement on se demande si les événements de la guerre permettraient ce fractionnement en deux temps de l’opération, et dans quels lieux on pourrait, en campagne, improviser et établir des poudreries.

De même que le fulmi-coton, la poudre Schultze est supérieure, par ses effets destructeurs, à notre poudre ordinaire de mine, et les mineurs peuvent se remettre plus promptement à l’ouvrage, parce que son explosion ne produit presque aucune fumée. Mais la variabilité de sa composition et ses effets brisants interdisent l’usage de cette poudre sinon dans les armes de luxe, au moins dans les fusils de munition. C’est là, en résumé, une invention d’une bien médiocre importance.

Poudre au carbazotate de potasse. — Un produit autrement sérieux, et qui paraît appelé à un véritable avenir, en raison des degrés divers de puissance balistique qu’on peut lui donner à volonté, c’est la poudre à base d’acide picrique ou carbazotique.

Il n’a encore été rien publié dans aucun ouvrage, sur la poudre au carbazotate de potasse ; c’est ce qui nous engage à traiter ici cette question avec quelque étendue.

L’acide picrique est un des produits de l’action de l’acide azotique sur l’indigo. Comme cette substance affecte une belle couleur jaune, qui s’applique très-bien sur les étoffes, on prépara longtemps l’acide picrique dans les fabriques d’Alsace, pour le faire servir à la teinture. Mais obtenu avec

  1. La nouvelle poudre à canon, dite poudre Schultze, par Édouard Schultze, traduit par W. Reymond, Paris, brochure in-8o, 1865.