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craindre les vapeurs d’hydrogène sulfuré et le sulfure de potassium solide, qui accompagnent la combustion de la poudre noire.

4o L’encrassement des armes et la fumée sont presque entièrement supprimés. En effet, le produit solide, résultant de la combustion des poudres à base de carbazotate de potasse, est alcalin : il consiste en carbonate de potasse, qui est sans action sur les métaux. Quant à la fumée, elle se réduit à un léger nuage de vapeur d’eau, qui se dissipe presque aussitôt après l’explosion.

M. Désignolle fabrique aujourd’hui, à la poudrerie impériale du Bouchet, des quantités considérables de ses nouveaux produits, en se servant des appareils ordinaires. Voici le mode de préparation suivi au Bouchet.

Les matières pesées sont triturées à la main, avec une proportion d’eau variant de 6 à 14 pour 100, suivant la nature du mélange ; puis, portées dans les moulins à pilons, où elles subissent un battage de 3 à 6 heures.

La poudre brisante, qui se compose seulement de carbazotate de potasse et de salpêtre, est battue pendant 3 heures ; tandis que les poudres à mousquet et à canon, qui sont composées de carbazotate de potasse, de salpêtre et de charbon, sont pilées durant 6 heures.

La trituration terminée, les poudres subissent un essorage (dessiccation) de quelques jours. Ensuite, elles sont mises en galettes, au moyen de presses hydrauliques. La pression qu’on fait subir aux galettes, varie de 30 000 à 120 000 kilogrammes, selon qu’on désire des poudres à combustion vive ou à combustion lente.

À leur sortie de la presse hydraulique, les galettes sont concassées et portées dans un grenoir mécanique, où elles sont mises en grains, dont la grosseur varie suivant l’intensité des effets qu’on veut obtenir.

Les poudres étant grenées, on procède au lissage, au séchage et à l’époussetage, par les procédés ordinaires.

En résumé, M. Désignolle fabrique une poudre susceptible d’être employée comme poudre à mousquet et à canon, et une véritable poudre brisante, qui a été adoptée par le ministère de la marine pour la confection de ces redoutables torpilles sous-marines, qui sont mises en expérience depuis plusieurs années dans nos ports.

Sans entrer, au sujet de ces terribles machines sous-marines, dans des détails qui ne seraient pas ici à leur place, nous nous bornerons à dire que, depuis l’année 1865, M. le vice-amiral de Chabannes a fait, dans le port de Brest, et ensuite dans celui de Toulon, des expériences sur les effets destructeurs des machines destinées à faire sauter les navires ennemis. Ces machines infernales avaient été employées en Europe et en Amérique, par Fulton, comme nous l’avons dit dans le premier volume de cet ouvrage [1] ; mais, de nos jours, elles ont été singulièrement perfectionnées par l’emploi des fils conducteurs électriques, qui permettent de communiquer instantanément le feu aux réservoirs de poudre, moyen inappréciable dans le cas dont il s’agit, et dont l’ingénieur américain n’avait pu se servir, puisque la pile voltaïque venait à peine alors d’être découverte. Les torpilles sous-marines sont, depuis plus de deux ans, expérimentées avec plus ou moins de mystère par toutes les nations militaires de l’Europe, principalement par la Russie, l’Autriche, l’Angleterre et la France.

Dans une enveloppe métallique, on enferme une certaine quantité de poudre au carbazotate de potasse ; puis, à l’aide d’un fil métallique conducteur et d’une pile de Volta établie sur le rivage ou à bord d’un bâtiment, on provoque, à un moment donné, l’explosion de la poudre, dont les effets destructeurs sont véritablement effroyables.

On a vu, en 1866, dans le port de Brest,

  1. Les bateaux à vapeur, tome Ier, page 187.