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une vieille frégate mise en pièces par l’explosion d’une torpille sous-marine.

Le 20 avril 1868, le Louis XIV, vaisseau-école de canonniers, procédait à l’expérience de l’engin redoutable que la science entend diriger contre les vaisseaux ennemis, pour triompher, peut-être, de leur formidable artillerie, de leur cuirasse métallique et de leur éperon.

La figure 170 représente le résultat de cette expérience, faite avec une torpille chargée de 500 kilogrammes de poudre. La torpille était plongée à 7 mètres de profondeur dans la mer, et à 60 mètres environ du rocher de la pointe Léaube, dans la rade des îles d’Hyères. La pile voltaïque destinée à envoyer, grâce au fil conducteur, l’étincelle au milieu de la masse de poudre, était installée sur ce rocher. Au signal, donné par un pavillon à bord du Louis XIV, le feu fut mis instantanément à la torpille, par le courant électrique. Aussitôt, la mer fut soulevée sous forme d’une calotte sphérique, dont la hauteur pouvait être de 1 à 2 mètres et le périmètre de 25 à 30 ; un cône d’eau, de 50 mètres de hauteur, s’élança en l’air, entraînant avec lui le sable et la vase du fond, accompagné de nombreuses gerbes d’eau partant de la base du cône et atteignant à peu près la même hauteur.

Les personnes qui se trouvaient sur les rochers éprouvèrent deux violentes secousses, l’une au moment où la première onde s’était produite au-dessus de la torpille, la seconde au moment où les gaz s’élançaient dans l’air, entraînant à leur suite l’immense cône d’eau. À bord du Louis XIV, les mêmes secousses furent ressenties, malgré la distance de 900 mètres qui le séparait de la torpille.

On ne peut pas mettre en doute qu’un navire, quelque fort qu’il fût, n’eût été mis en pièces par l’effet de cette terrible commotion et du choc énorme de la masse d’eau projetée, s’il se fût trouvé au-dessus de la torpille ou dans son voisinage.

Nitroglycérine. — Pendant que M. le vice-amiral de Chabannes poursuivait ses expériences pour faire sauter les navires ennemis, un ingénieur suédois, M. A. Nobel, appliquait au sautage des mines les propriétés déflagrantes de la nitroglycérine ou glycérine nitrée, liquide formé d’un équivalent de glycérine et de trois équivalents d’acide nitrique.

Cette substance, qui ne s’enflamme ni à 100 degrés, ni au contact de l’étincelle électrique (il faut l’allumer par une mèche), possède une force explosive considérable. Elle permet, en effet, de loger dans un trou de mine de petite dimension une force balistique dix fois plus grande qu’en se servant de la poudre. On conçoit qu’il doive en résulter une grande économie de main-d’œuvre, dont on peut d’ailleurs se faire une idée en considérant que le travail du mineur représente, suivant la dureté du roc, de cinq à vingt fois la valeur de la poudre employée ; l’économie dans les frais de sautage, selon le terme consacré, s’élève donc facilement à 50 pour 100.

Voici quelques-uns des résultats des expériences qui ont été faites à la mine d’Altenberg, le 7 juin 1865, en présence de MM. de Decken et Noeggerath et d’un grand nombre d’ingénieurs allemands et belges. Les trous ont été forés dans une dolomie dure et saine, mais traversée de nombreuses fissures. Un trou de 34 millimètres de diamètre et de 2 mètres de profondeur fut chargé de 1lit,5 de nitroglycérine, correspondant à 1m,50 du trou ; puis on mit en place le bouchon et la fusée, on remplit la mine de sable, et on alluma la mèche. La masse rocheuse ne fut pas emportée, mais seulement fissurée ; néanmoins l’effet fut énorme ; on observa des fentes de 6 et de 15 mètres de longueur, et la roche se montra broyée encore au-dessous du fond de la mine.

Dans une autre expérience, un trou de mine semblable au premier fut foré dans un endroit plus dégagé, et rempli de 0lit,75