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bas, on calait le projectile au fond de la pièce, avec un bouchon de foin.

Les bombardes tiraient ainsi de six à dix coups par heure.

Les petites pièces demandaient moins de soins. Les veuglaires, grâce à leur chambre à feu mobile et pourvue d’une anse, se chargeaient avec moins de difficultés encore. La poudre seule était mise dans la chambre à feu, et recouverte d’un bouchon de paille ; on ajustait la chambre à feu sur la volée, et l’on introduisait le projectile par la volée.

Fig. 192. — Bombarde coudée.

On eut, à cette époque, l’idée de construire des bombardes dont la chambre joignait la volée à angle droit. La figure 192 représente, d’après une planche de l’ouvrage de Marianus Jacobus sur les Machines, une bombarde coudée. Cette pièce, qui ne s’éloigne pas trop de nos mortiers actuels, se composait d’une chambre à feu, A, et d’une volée, B, disposées à angle droit l’une sur l’autre, et était faite pour le tir sous de grands angles. Le pointard était la barre de bois, C, pourvue de chevilles. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que le peu de solidité de l’assemblage de la chambre à feu avec le reste de la pièce, dut faire promptement renoncer à ce mode de construction.

Il paraît même qu’à cette époque, on imagina, sans toutefois parvenir à le réaliser, le projectile explosif. Dans son ouvrage, De re militari, Valturius accompagne ses dessins des bouches à feu, de la figure d’un boulet cerclé de fer, et plein de poudre enflammée, que lançait cette bouche à feu. C’était donc une véritable bombe. Valturius attribue cette invention à Sigismond Pandulfe Malatesta. Il dit formellement que Malatesta est l’inventeur de cette machine, qui lance des projectiles d’airain pleins de poudre à canon et munis d’une mèche enflammée.

« Il y avait là indubitablement, dit M. Favé, l’idée d’un projectile explosif ; mais il manquait à sa réalisation le moyen de mettre le feu à la charge du projectile sans courir le risque qu’elle fût enflammée par la charge de la bouche à feu ; aussi les accidents qui durent résulter de l’explosion prématurée d’un projectile mal fermé firent sans doute renoncer à le tirer rempli de poudre à canon. Il ne suffisait pas de concevoir la possibilité de lancer des projectiles explosifs dans les bouches à feu, pour y parvenir[1]. »

Ce n’est que deux siècles plus tard que la bombe devait être véritablement inventée. La conception première de Malatesta aurait eu des résultats importants, si l’on avait réussi à lancer la bombe sans qu’elle éclatât dans l’arme, mais certainement les explosions dangereuses qui survinrent dans les essais de ce projectile creux incendiaire, firent aussitôt renoncer à son usage.

En résumé, dans cette première période de l’artillerie, les armes à feu agissent plutôt par l’effroi qu’elles causent à l’ennemi, que par le dommage que peuvent lui occasionner les projectiles. Cependant, à mesure que l’on avance, les canons acquièrent une plus grande résistance ; ils supportent une plus forte charge de poudre, et lancent un projectile plus lourd. Les pièces semblent aussi accroître de volume, mais d’une façon presque insensible, jusqu’aux périodes suivantes, où tout d’un coup, leur grandeur deviendra énorme.

Les bouches à feu lançant des balles de plomb (plommées ou plombées) établissent la transition entre ces deux périodes. Nous dirons, en conséquence, quelques mots de ces

  1. Histoire des progrès de l’artillerie, tome III.