Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pièces d’artillerie intermédiaires, par les dimensions, et qui forment, pour ainsi dire, le trait d’union entre les petites bombardes dont il vient d’être question et les monstrueuses bombardes dont nous aurons à parler dans le chapitre suivant.

Au mois de septembre 1341, les consuls de la ville de Tournay, en Flandre, faisaient essayer hors des portes de la ville, un « engin appelé tonnoille, pour traire en une bonne ville, quand elle est assiégée ». Cet engin avait été exécuté par le maître potier d’étain, Pierre de Bruges, lequel avait imaginé de remplacer le projectile ordinaire, c’est-à-dire le carreau de fer en forme de pyramide, par une masse de plomb, pesant environ deux livres, et qui reçut le nom de plommée, ou plombée. La chambre à feu de ce canon n’était pas cylindrique, elle formait un prisme à base carrée.

La bouche à feu de Pierre de Bruges fut pointée contre la muraille de la ville de Tournay, et chargée avec le boulet de plomb : la force du coup fut telle que le projectile, passant par-dessus les deux enceintes, alla tuer un homme « sur la place devant le moustier Saint-Brisse. » Pierre de Bruges fit une pénitence pour obtenir le pardon de ce meurtre involontaire[1].

Mais ce résultat n’était pas de nature à discréditer l’invention des boulets de plomb. Après ceux de Tournay, les magistrats de Lille voulurent essayer la tonnoille, et son nouveau projectile. Satisfaits sans doute, ils firent construire des « plombées » pour servir de projectiles à leurs bombardes. Bientôt les canons de quelque consistance n’employèrent plus que les boulets de plomb de Pierre de Bruges ; et on laissa de côté, comme surannés, le carreau, et surtout la flèche de fer centrée par des rondelles de cuir.


CHAPITRE II

deuxième période : les grandes bombardes et les boulets de pierre. — les bombardes de louis xi, d’édimbourg et de gand. — autres canons et leurs projectiles à la fin du xive siècle.

Vers l’an 1360 la métallurgie et l’art de la fabrication des bouches à feu avaient fait quelque progrès, car on savait construire des armes de petites dimensions, assez résistantes pour lancer des projectiles très-lourds, tels que les plombées, et l’on savait, d’autre part, fondre des pièces plus grandes, mais de moindre résistance, destinées à recevoir des projectiles légers, c’est-à-dire des boulets de pierre. Les grandes bouches à feu étaient moins résistantes que les petites, parce qu’il était très-difficile de les couler et de les aléser, et aussi, parce que, proportions gardées, l’épaisseur des parois était plus faible dans les grandes que dans les petites pièces.

Les boulets de pierre n’étaient pas une nouveauté. Dans l’ancienne balistique on savait les tailler avec économie et promptitude, de sorte que leur prix de revient était minime. Il ne serait pas exact de dire que les boulets de pierre furent imaginés pour les grandes bombardes, puisque les boulets de pierre, étaient depuis longtemps connus ; et il ne serait pas plus vrai de prétendre que les grosses bombardes furent construites pour utiliser les boulets de pierre. Les deux éléments marchèrent, pour ainsi dire, l’un à la rencontre de l’autre, et il se trouva finalement qu’ils se convenaient très-bien.

À partir de ce moment, l’artillerie posséda des grands et des petits canons, catégories de pièces très-nettement séparées, et ayant chacune son emploi distinct. Les petits canons lancèrent des projectiles métalliques, et furent dirigés contre les hommes et les armures ; les gros canons lancèrent des boulets de pierre, et servirent à l’attaque, comme à la défense des villes. Les gros boulets de pierre effondraient,

  1. Histoire de l’artillerie en Belgique par Paul Henrard. Bruxelles, in-8o, 1865.