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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/353

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Fig. 211. — Serpentine de Charles-le-Téméraire (canon dépourvu de tourillons, et muni d’un pointard en arc de cercle)


guée par son père, Philippe-le-Bon ; le reste venait d’être construit dans ses arsenaux, à grands frais, et d’après les principes nouveaux. À la bataille de Granson, où Charles-le-Téméraire éprouva une si sanglante défaite, quatre cent dix-neuf bouches à feu furent conquises par les Suisses. Telle était pourtant la richesse des arsenaux du duc de Bourgogne, que le 17 avril 1476, un mois et demi après cette journée funeste, l’artillerie de Charles-le-Téméraire, réunie sur le plateau de Jorat, comptait quatre grosses bombardes, six courtauts, cinquante-quatre grosses serpentines, et un nombre effrayant de canons plus petits. De nouvelles grosses pièces lui arrivaient même tous les jours : plus de deux mille chariots étaient employés à transporter les munitions. Le nombre des chevaux attelés à ces véhicules et aux pièces de canon, est inconnu, mais il devait être considérable, puisque telle grosse pièce exigeait jusqu’à trente chevaux pour la traîner.

Les trois figures que nous donnons de l’artillerie de Charles-le-Téméraire et que nous empruntons à l’ouvrage de M. Favé, donneront une idée suffisamment exacte de la construction des bouches à feu à cette époque. La figure 211 montre une serpentine, remarquable par sa longueur considérable relativement à l’étroitesse de son calibre ; elle a 3m,20 de longueur et 52 millimètres seulement de diamètre intérieur. La longueur d’âme est d’environ soixante-deux calibres. Son poids dépasse 1 200 kilogrammes ; le projectile même en plomb ne pouvait peser que 800 gr. ; de telle sorte que la bouche à feu pesait plus de quinze cents fois le poids du boulet.

Cette serpentine est en fer forgé. Si l’on en juge, dit M. le général Favé, par une autre serpentine identique à celle-ci pour la forme, et qui, rompue par accident, laisse voir sa texture intérieure, elle doit être composée de quatre pièces de fer, réunies sur un mandrin et longitudinalement disposées ; et par-dessus celle-ci, de deux manchons, soudés les uns aux autres et réunis aux barres qui forment l’âme. Par-dessus le tout sont les cercles de renforcement, visibles dans la figure. Trois de ces cercles portent des anneaux, qui, dans les différentes manœuvres, pouvaient donner attache à des cordes. Ces anneaux sont placés un peu de flanc, de façon à ne pas cacher la ligne de mire.

La ligne de mire est déterminée par trois petites saillies portées par deux des cercles de renforcement, et par la bouche de la pièce, et offrant à leur sommet de petits plans, dont la face supérieure présente un angle dièdre à arête longitudinale.

Cette serpentine est encastrée dans un fut AB, composé d’une seule pièce de bois de chêne, reproduisant en creux exactement les saillies que la pièce lui présente.