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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/368

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Pendant cette opération qui pouvait demander du temps, le fronteau de la culasse, large de 0m,65, faisait office de mantelet, et protégeait la tête du pointeur.

Les applications des sciences mathématiques n’étaient pas très-avancées à cette époque. Les officiers de l’armée n’avaient que des idées bizarres et contradictoires sur la ligne que décrivent les projectiles lancés par la poudre. Le mathématicien italien Tartaglia osa le premier aborder scientifiquement le problème de la trajectoire des projectiles. Les bases sur lesquelles il fondait son opinion, et les raisons qu’il invoquait, ne nous sont pas connues. Il débuta par une proposition étrange. Selon lui, le boulet, à sa sortie de l’arme, se meut en ligne droite tant que dure l’influence de la poudre, puis il décrit un arc de cercle à petit rayon ; enfin il suit la verticale. Cependant le mathématicien italien ne tarda pas à revenir sur une proposition aussi erronée. Il reconnut, quelques années plus tard, qu’aucune partie de la trajectoire n’est une ligne droite, et que tout projectile sortant d’une bouche à feu, décrit une ligne courbe, parce qu’il obéit à deux forces agissant, l’une en ligne droite : c’est l’effet de la poudre, l’autre en ligne verticale : c’est l’effet de la pesanteur du boulet.

Fronsperger confirma, par des expériences positives, cette dernière donnée. Ayant disposé plusieurs cibles sur une même ligne parfaitement droite, et placées à la même hauteur, il tira horizontalement au travers de ces cibles. Les hauteurs où les cibles furent percées par le boulet, allaient en décroissant de la première jusqu’à la dernière.

Ainsi la ligne décrite par le projectile lancé par la poudre, n’était pas droite. Mais quelle était au juste la courbe décrite ? Était-ce une parabole, un arc d’ellipse, etc. ? Pour ne pas s’étonner des absurdités qui furent gravement avancées et soutenues à ce propos, par les hommes les plus instruits et les plus intelligents, il faut considérer les difficultés énormes qu’offrait ce problème, à une époque où tout était à faire dans la science sous ce rapport. La question était remplie de ténèbres, à travers lesquelles on ne pouvait qu’avancer à tâtons. Ce ne fut que bien des années après Tartaglia, c’est-à-dire au xviiie siècle, que l’on put donner la solution du problème de la trajectoire.

Revenons à l’Allemand Senfftenberg. La ligne de mire étant déterminée, on fixait sur le bourrelet un bouton métallique, au moyen d’un peu de cire. La tête du bouton de la volée était plus basse que l’ouverture du fronteau. Dans le cas où le boulet eût suivi la première trajectoire imaginée par Tartaglia, c’est-à-dire la ligne droite, si le but avait été plus proche que la longueur de portée, la trajectoire se fût toujours maintenue au-dessus de la ligne de mire ; il eût donc fallu abaisser la bouche du canon et viser au-dessous du but pour l’atteindre.

D’après la deuxième hypothèse de Tartaglia, c’est-à-dire dans le cas où la trajectoire serait une ligne courbe continue, il arrivera un moment où le boulet coupera la ligne de mire, et passera au-dessous.

Senfftenberg connaissait, par expérience, la vérité de cette deuxième hypothèse, il savait qu’on ne doit viser droit au but qu’à une distance déterminée ; que, plus près, il faut viser plus bas ; que, plus loin, il faut viser plus haut. Sa ligne de mire était construite de telle sorte qu’en tirant avec des charges de poudre pesant le neuvième du boulet, il prescrivait de viser 0m,98 au-dessous du but à 100 pas, 0m,65 à 200 pas et 0m,33 à la distance de 400 pas. On devait viser de but en blanc (c’est-à-dire droit au but) à 500 pas, 0m,33 au-dessus du but à 600 pas, 0m,65 à 700 pas, et ainsi de suite en augmentant la hauteur du point visé au-dessus du but de 0m,33 par chaque accroissement de 100 pas dans la distance.

Senfftenberg donne, dans son ouvrage, les dessins de plusieurs quadrants. Ces quadrants constituent une hausse comparable de tout