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répondirent pas à leur attente. On cherchait un procédé sûr pour communiquer le feu à la bombe, par un moyen assez lent pour qu’elle ne fît pas explosion avant d’être arrivée à son but.

Dans la seconde moitié du siècle précédent, les Allemands avaient fait faire de grands pas à l’art de lancer les bombes, mais l’usage de ces projectiles creux explosifs n’avait pris chez eux aucune extension, ce qui prouve que l’on n’était pas parvenu à des résultats bien utiles.

C’est aux Pays-Bas qu’appartient la découverte de la bombe, ou boulet creux explosif. Les artilleurs des Provinces-Unies ne firent peut-être que perfectionner des procédés déjà employés, mais ils les rendirent d’une sécurité et d’une efficacité telles, que dès lors, et malgré le secret qu’observèrent les inventeurs, ce nouvel engin de guerre passa dans la pratique de tous les autres peuples de l’Europe.

La fin du xvie siècle fut marquée par le soulèvement des Pays-Bas contre la colossale puissance du successeur de Charles-Quint, Philippe II. Ce petit peuple, dans les efforts de cette lutte, s’occupa de perfectionner son artillerie, et il parvint à dépasser de beaucoup l’artillerie espagnole, et même celle de toutes les autres nations guerrières de ce temps. Tandis que le successeur de Charles-Quint avait laissé tomber dans l’oubli les calibres réglementaires créés par l’Empereur, son père, les Provinces-Unies, au contraire, s’étaient attachées à établir quatre calibres fixes. Elles avaient perfectionné le mode de chargement des pièces, cherché à réaliser le point difficile du grain de lumière dans les bouches à feu, perfectionné les affûts des pièces de divers calibres, simplifié l’attelage, etc.

Avant d’arriver à l’histoire de l’invention de la bombe dans les Pays-Bas, nous donnerons une idée des perfectionnements remarquables et nombreux que les chefs des Provinces-Unies avaient apportés à l’ensemble de leur artillerie, perfectionnements que nous venons d’énumérer par avance.

Maurice et Frédéric de Nassau dirigèrent successivement la construction du matériel de guerre des Pays-Bas. Sous leur impulsion intelligente, on adopta quatre calibres seulement : ceux de 48, de 24, de 12 et de 6. Henri Houdins, célèbre graveur, les dessina et les décrivit dans un ouvrage publié en 1625.

Ces quatre modèles (fig. 247 à 250) devaient suffire à tous les besoins de la guerre. Ils étaient coulés en bronze, et munis d’anses et de boutons de culasse, utiles dans les manœuvres de force. L’aspect extérieur de ces bouches à feu est simple, et ne présente point les ornements dont est fastueusement couverte l’artillerie espagnole de cette époque.

Le canon de 48 pèse 7 000 livres, c’est-à-dire 150 fois le poids du boulet ; l’âme a 17 calibres de longueur. On se rapprochait ainsi des proportions déterminées par Charles-Quint. L’âme, plus large que le projectile, eût répondu à un boulet de 52 livres, ce qui fixait le minimum du vent.

Le demi-canon de 24 pèse 4 500 livres, ou 190 fois le poids du projectile ; et l’âme a une longueur de 20 calibres.

Le quart de canon, du calibre de 12 livres, la pièce de campagne par excellence, pèse 3 200 livres, ou 266 fois le poids du boulet ; sa longueur d’âme est également de 20 calibres.

Le faucon, qui lance le boulet de 6 livres, pèse 2 100 livres, ou 350 fois le poids du projectile, et l’âme a 28 calibres de longueur. Relativement au calibre, c’était la plus longue des quatre pièces ; cette longueur de volée avait pour objet de permettre de tirer le faucon dans les embrasures, sans détériorer les gabions.

À mesure que le calibre diminue, le rapport du poids de la pièce à celui du boulet, augmente ; les grosses pièces avaient dû être allégées pour rendre leur manœuvre et leur