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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/42

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de succès, vu la presque impossibilité, selon moi, de fixer, d’une manière durable, les images reçues, quand bien même on parviendrait à replacer les jours et les ombres dans leur ordre naturel. Mes résultats à cet égard avaient été totalement conformes à ceux que m’avait fournis l’emploi de l’oxyde d’argent ; et la promptitude était le seul avantage réel que ces deux substances parussent offrir. Cependant, Monsieur, l’an passé, après votre départ d’ici, je soumis l’iode à de nouveaux essais, mais d’après un autre mode d’application. Je vous en fis connaître les résultats, et votre réponse, peu satisfaisante, me décida à ne pas pousser plus loin mes recherches. Il paraît que depuis vous avez envisagé la question sous un point de vue moins désespérant, et je n’ai pas dû hésiter à répondre à l’appel que vous m’avez fait, etc. J.-N. Niépce. »

Il lui écrivait encore, le 8 novembre 1831:

« Monsieur et cher associé,

« Conformément à ma lettre du 24 juin dernier, en réponse à la vôtre du 21 mai, j’ai fait une longue suite de recherches sur l’iode mis en contact avec l’argent poli, sans toutefois parvenir au résultat que me faisait espérer ce désoxydant. J’ai eu beau varier mes procédés et les combiner d’une foule de manières, je n’en ai pas été plus heureux pour cela. J’ai reconnu, en définitive, l’impossibilité, selon moi du moins, de ramener à son état naturel l’ordre interverti des teintes, et surtout d’obtenir autre chose qu’une image fugace des objets. Au reste, Monsieur, ce non-succès est absolument conforme à ce que mes recherches sur les oxydes métalliques m’avaient fourni bien antérieurement, ce qui m’avait décidé à les abandonner. Enfin, j’ai voulu mettre l’iode en contact avec la planche d’étain ; ce procédé, d’abord, m’avait semblé de bon augure. J’avais remarqué avec surprise, mais une seule fois, en opérant dans la chambre noire, que la lumière agissait en sens inverse sur l’iode, de sorte que les teintes, ou, pour mieux dire, les jours et les ombres, se trouvaient dans leur ordre naturel. Je ne sais comment et pourquoi cet effet a eu lieu sans que j’aie pu parvenir à le reproduire, en procédant de la même manière. Mais ce mode d’application, quant à la fixité de l’image obtenue, n’en aurait pas été moins défectueux. Aussi, après quelques autres tentatives, en suis-je resté là, regrettant bien vivement, je l’avoue, d’avoir fait fausse route pendant si longtemps, et, qui pis est, si inutilement, etc., etc. »

« Saint-Loup de Varennes, le 29 janvier 1832,
« Monsieur et cher associé,

« Aux substances qui, d’après votre lettre, agissent sur l’argent comme l’iode, vous pouvez ajouter le thlaspien décoction, les émanations du phosphore et surtout du sulfure ; car c’est principalement à leur présence dans ces corps qu’est due la similitude des résultats obtenus. J’ai aussi remarqué que le calorique produisait le même effet par l’oxydation du métal, d’où provenait, dans tous les cas, cette grande sensibilité à la lumière ; mais ceci, malheureusement, n’avance en rien la solution de la question qui vous occupe. Quant à moi, je ne me sers plus de l’iode, dans mes expériences, que comme terme de comparaison de la promptitude relative de leurs résultats. Il est vrai que depuis deux mois le temps a été si défavorable, que je n’ai pu faire grand’chose. Au sujet de l’iode, je vous prierai, Monsieur, de me dire d’abord : Comment vous l’employez ? Si c’est sous forme concrète ou en état de solution dans un liquide ? parce que, dans ces deux cas, l’évaporation pourrait bien ne pas agir de la même manière sous le rapport de la promptitude, etc., etc. J.-N. Niépce. »

« Saint-Loup de Varennes, le 3 mars 1832.
« Mon cher associé,

« Depuis ma dernière lettre, je me suis, à peu de chose près, borné à de nouvelles recherches sur l’iode, qui ne m’ont rien procuré de satisfaisant, et que je n’avais reprises que parce que vous paraissiez y attacher une certaine importance, et que, d’un autre côté, j’étais bien aise de me rendre mieux raison de l’application de l’iode sur la planche d’étain. Mais, je le répète, Monsieur, je ne vois pas que l’on puisse se flatter de tirer parti de ce procédé, pas plus que de tous ceux qui tiennent à l’emploi des oxydes métalliques, etc., etc.[1]. »

La découverte des agents révélateurs fut faite bientôt après, par Daguerre. Au lieu de laver la plaque impressionnée par le bitume de Judée, avec de l’essence de lavande, Daguerre trouva que, si on l’expose aux vapeurs de l’huile de pétrole, ces vapeurs font apparaître subitement l’image, qui, jusque-là, n’apparaissait qu’imparfaitement sur le métal. Voici, en effet, ce qu’on lit dans une note relative aux modifications apportées par Daguerre au procédé de Niépce, et rapportée par Daguerre dans la brochure qu’il a consacrée à l’histoire de ses travaux.

« Comme il arrive très-souvent qu’au sortir de la chambre noire on n’aperçoit aucune trace de l’image, il s’agit de la faire paraître. Pour cela, il faut prendre un bassin en cuivre étamé ou en fer-blanc plus grand que la plaque, et garni tout autour d’un

  1. Historique et découverte du Daguerréotype, par Daguerre, in-8. Paris, 1839, p. 53-56.