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obus, dont les effets destructeurs auraient été terribles contre des vaisseaux en bois, et qui auraient efficacement concouru à l’attaque et à la ruine des marines ennemies. Des expériences furent faites dans ce but, par les hommes les plus instruits et les plus éclairés du temps, sous la direction de Monge. Ces expériences se faisaient au château de Meudon, dont l’entrée, pendant cette période, resta interdite à tous, sous peine de mort, selon les mœurs et pratiques de cette époque. On crut trop prématurément au succès de ces expériences. L’installation d’obusiers sur les navires fut décrétée ; le matériel nécessaire fut même envoyé à chaque vaisseau de guerre. Mais la question avait été tranchée trop hâtivement. La pratique fit voir tous les dangers de manier à bord, ces obus, dont plusieurs menaçaient d’incendier les navires. Les commandants firent jeter à l’eau tout ce matériel dangereux, et la question en resta là.

Ce n’est que sous la Restauration que l’on revint, comme nous l’avons dit, à l’idée de faire lancer des bombes ou des obus par des canons ordinaires. À cette époque, Paixhans fît accepter par le gouvernement, les canons-obusiers qui portent son nom (canons à la Paixhans).

Paixhans publia, en 1822, un livre extrêmement remarquable, intitulé Nouvelle Force maritime et artillerie, dans lequel sont prédits quelques-uns des progrès que les années suivantes virent s’accomplir. Paixhans s’exprime ainsi dans la préface de son ouvrage :

« Des vaisseaux, ne sont-ils pas une chose plus facile à détruire qu’à conserver ? et faut-il tant d’efforts pour anéantir ces fragiles édifices, lorsqu’un peu de poudre dans une mine fait écrouler d’un seul coup les plus solides remparts ?

« Non, les vaisseaux de haut-bord ne sont point difficiles à détruire. Ils bravent l’artillerie ordinaire, mais rien n’est plus facile que d’avoir une artillerie qu’ils ne braveront plus. Et quels regrets pourraient être accordés à ces machines hérissées de canons, lorsqu’aujourd’hui, ruineuses pour tous les peuples, elles ne sont favorables qu’à celui qui, regardant la force comme un droit, s’arroge le pouvoir absolu sur les mers (il s’agit du peuple anglais) ?

« Notre ouvrage développera, relativement à la facilité de détruire les vaisseaux, des preuves convaincantes, résultant d’expériences déjà faites ; et il offrira tous les détails nécessaires à l’exécution des nouvelles armes proposées ; armes qui seront assez redoutables pour mettre le moindre navire en état de se faire craindre du plus grand vaisseau, et qui, par conséquent, permettront de ne plus faire les énormes dépenses qu’entraînent les constructions de haut bord.

« Ce que nous proposons, n’est ni une invention, ni un projet ; et les armes nouvelles ne seront qu’un moyen très-simple d’agrandir un effet d’artillerie actuellement très-connu. Ce n’est point une idée neuve, c’est une idée mûre qui se présentait d’elle-même ; et chacun pouvait, à cette occasion, trouver ce que cherchait Maupertuis : « Un beau problème peu difficile. » Nous sommes si loin de prétendre avoir rien inventé, que nous avons au contraire fait des recherches laborieuses pour démontrer que la principale innovation, proposée dans ce livre, est une chose déjà connue depuis longtemps, déjà essayée avec succès, souvent conseillée par les hommes du métier les plus instruits, et dont il ne restait que les détails à étudier. »

Après ce début si modeste, puisque l’auteur ne veut pas s’attribuer le mérite de l’invention des canons-obusiers, Paixhans examine avec sagacité les inventions proposées pour l’art de la guerre, et il relègue la plupart dans l’ombre d’où elles n’eussent pas dû sortir. Puis, se servant de ce principe, alors adopté, que la force offensive d’un navire de guerre se mesure au poids des projectiles qu’il peut lancer en un temps donné, il montre que les pièces de gros calibre sont préférables aux bouches à feu plus petites.

Les vaisseaux, à cette époque, étaient armés de canons très-courts, et très-légers, relativement au poids du boulet. Ce n’étaient presque que des pistolets de gros calibre : on les nommait caronades, du mot Carron, nom d’un village d’Angleterre où les premiers de ces canons furent fabriqués.

La figure 300, tirée de l’ouvrage de Paixhans, donne la coupe d’une caronade de 30, pesant soixante-neuf fois son boulet. Cette pièce ne portait pas de tourillons ; seulement,