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la recherche de l’alliage ou du métal le plus résistant. La ténacité insuffisante du bronze des bouches à feu, avait, de tout temps, arrêté les progrès de l’artillerie ; il fallait reculer les limites de cette résistance.

Le bronze, l’alliage classique des bouches à feu, fut généralement abandonné : il n’était ni assez dur, ni assez élastique.

L’Amérique du Nord entra la première, cette fois, dans la voie des innovations. Pendant la guerre de 1812, les États-Unis firent construire de gros canons de marine, du calibre de 100. On les nomma calombiades. Le projectile était un obus. De forme ovoïde, il contenait 15 grammes de poudre, et était muni d’une fusée qui mettait le feu à cette poudre, dans de véritables obusiers de marine, comme ceux que devait employer peu après le colonel Paixhans en France.

Un canon aussi gros, lançant un projectile allongé et explosif, devait être fait d’un métal très-résistant : il était en fonte ou en fer forgé.

Quoi qu’il en soit, les Américains apprirent bientôt à fabriquer une fonte d’un grain très-fin, et d’une résistance tellement grande, que les fonderies de l’Europe ne sont pas encore parvenues à l’égaler.

En Angleterre et en Amérique, on essaya de construire des canons en fer forgé, semblables par conséquent aux bombardes du xive siècle. Les résultats obtenus furent assez insignifiants jusqu’au jour où l’ingénieur anglais Armstrong parvint à rendre cette fabrication usuelle. Nous parlerons de ce procédé de fabrication des canons, quand nous serons arrivés au canon Armstrong.

Ajoutons que quelques tentatives ont été faites pour confectionner des bouches à feu avec le bronze d’aluminium, composé d’aluminium additionné de 10 p. 100 de cuivre, ce qui donne un alliage de la couleur de l’or, et d’une ténacité prodigieuse. Mais cet alliage s’obtient difficilement avec une composition, et par conséquent une dureté uniforme dans toute sa masse. En outre, son prix est trop élevé pour qu’on puisse songer à en faire usage pour la fabrication courante de l’artillerie.

Un alliage d’invention récente, le métal Sterro, qui a été trouvé par le baron Rosthorn, de Vienne, paraît réunir au plus haut degré toutes les qualités exigées. Sa composition est variable entre certaines limites. Il y entre du cuivre et du zinc en proportions à peu près égales, avec un peu de fer et d’étain[1]. Le prix de revient est inférieur à celui du bronze. Cependant cet alliage n’a pas encore été suffisamment expérimenté, pour que l’on puisse porter un jugement définitif sur ses avantages.

La fonte, soit seule, soit soutenue par d’autres métaux, est loin d’être proscrite de la fabrication des canons. Les canons italiens sont toujours coulés en fonte ; quelques canons anglais en sont en partie composés, et comme nous le disions plus haut, les grosses bouches à feu américaines, de trois à quatre décimètres d’ouverture, sont également en fonte, malgré l’inconvénient, à bord des navires, du poids de ce métal. La fonte doit présenter de sérieux avantages, comme métal de bouche à feu, puisque les Américains, après le grand usage qu’ils en ont fait dans leur dernière guerre, jugent à propos de la conserver encore. Les canons américains de Rodman et Dahlgren, qui lancent des boulets du poids de mille livres, avec une charge de poudre de cent livres, sont en fonte. Un canon monstre, destiné à armer la tour du navire cuirassé le Puritain, et qui lance un projectile plein, du poids de 492 kilogrammes, est également en fonte.

Mais le métal qui, en raison de sa résistance supérieure à celle de tous les autres métaux ou alliages, tend à se substituer à tout

  1. D’après M. Turgan (Grandes Usines, t. VI, p. 56), le métal Sterro aurait la composition suivante :
    Cuivre 
    53,04
    Zinc 
    42,36
    Fer 
    1,77
    Étain 
    0,83
      98,00