Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

canons. Nous devons entrer dans quelques détails sur cet important système d’artillerie.

Sir Armstrong commença ses essais sans l’appui de personne, en faisant construire à ses frais les bouches à feu de son invention. Il passa plusieurs années en expériences et en remaniements de toutes sortes. Il avait imaginé d’appliquer à la construction des bouches à feu la méthode à enroulement, dite à rubans, depuis longtemps usitée pour les armes portatives de luxe. Cette méthode est fondée sur ce principe, qu’en tournant en spirale une longue barre de fer, on construit un tube dans lequel les fibres du métal présentent la meilleure disposition pour résister à la pression s’exerçant intérieurement. Armstrong prenait des barres du fer le plus pur, puis, les ayant chauffées au rouge dans un four de 40 mètres de longueur, il les enroulait sur un mandrin, et en formait des cercles, semblables à celui que représente la figure 330. Avec une série d’enveloppes de ce genre, il forgeait un canon.

Fig. 330. — Cercles de fer pour la fabrication des canons à rubans.

« Des barres de fer de 10 mètres de long, dit M. Turgan, sont d’abord soudées l’une à l’autre de manière à former une seule tringle de 35 mètres ; cette barre est chauffée au rouge dans un four qui a plus de 40 mètres de long, et saisie par un treuil qui l’enroule rapidement sur un mandrin, de telle sorte que les spires soient juxtaposées ; après avoir réchauffé cette spirale, on la martelle sous un fort pilon qui soude entre eux tous les filets, et, par un travail sur mandrin, donne à l’ensemble l’apparence d’un manchon uniforme. Avec plusieurs de ces manchons soudés bout à bout, on fait des tubes que l’on emmanche successivement les uns dans les autres et à chaud, de manière que la portion qui sera le tonnerre réunisse l’ensemble de tous les tubes, au nombre de cinq ou six, plus ou moins épais.

« Les défenseurs de ce système prétendent que par l’application de ce procédé il est plus facile de connaître la bonne condition du canon dans toutes ses parties, et que les cylindres ainsi obtenus sont toujours préférables à ceux qui sont forés dans un métal de forge : les adversaires d’Armstrong disent que les cercles se relâchent, augmentant ainsi le calibre de l’âme, et que, d’autre part, le canon se brise facilement, s’il est frappé par les projectiles de l’ennemi. Pour remédier à la dilatation de l’âme, on a introduit à l’intérieur des canons Armstrong des tubes d’acier qui, d’après les expériences récentes, en auraient assuré la solidité. Quoi qu’il en soit, nous nous rangeons à l’avis de M. Treuille de Beaulieu, qui trouve cette fabrication difficile et compliquée. Le canon Armstrong cependant a une grande qualité, il n’éclate pas sans avertir ; la dilatation et l’écartement de ses parties sont visibles avant la rupture complète, ce qui est certainement un avantage[1]. »

Il serait inutile de passer en revue les incessantes modifications que sir Armstrong apporta, soit dans la construction de ses pièces, soit dans la forme de la rayure et celle du projectile ; nous nous contenterons de décrire les points les plus importants de son système.

En 1859, sir Armstrong put soumettre son système à une commission d’artillerie ; ce fut le commencement de sa réputation. Le rapport lui était tellement favorable, qu’il parut empreint de beaucoup d’exagération. D’après ce document, les canons de sir Armstrong ne pesaient que le tiers des calibres ordinaires correspondants. Une pièce pesant 100 kilogrammes, avait lancé, avec cinq livres de poudre, un projectile pesant 16 kilogrammes, à la distance de 9 144 mètres. À 3 000 yards (2 742 mètres), cette pièce atteignait le but sept fois plus souvent qu’un canon ordinaire à âme lisse ; après un tir de 1 300 coups, l’âme ne présentait pas la moindre dégradation[2].

Ces résultats sont extraordinaires ; évidemment un grand progrès venait d’être accompli. L’Angleterre s’enorgueillit de ces résultats.

En 1860, des expériences furent faites de-

  1. Grandes Usines. Ruelle, p. 78.
  2. Adts, Canons rayés, systèmes Cavalli et Armstrong. Paris, brochure in-8, 1861, p. 41-42.