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être bien sûr que la balle présenterait à l’air sa pointe, comme cela arrive avec la flèche.

Après de nombreuses expériences, M. Delvigne s’assura que cette dernière condition était parfaitement remplie. Il obtenait avec le projectile allongé de fort belles portées.

Toutefois, il reconnut, en même temps, que cette innovation n’était pas applicable au fusil de munition alors en usage, parce que le recul d’une arme de ce calibre était trop violent, et qu’il était impossible d’augmenter le poids des cartouches portées par le soldat. Il suffit de dire, pour justifier cette dernière remarque, que le projectile allongé de M. Delvigne pesait de 60 à 70 grammes, tandis que la balle du fusil de munition ne pesait que 25 grammes.

M. Delvigne fut donc obligé de réduire les dimensions de sa carabine, pour en faire un fusil rayé à l’usage des troupes. Il lui donna le calibre de 15mm (celui du fusil ordinaire était de 17mm,5), le poids de 3 kilogrammes et demi, et le munit de projectiles cylindro-coniques, ne pesant pas plus de 25 grammes, comme la balle sphérique du fusil de munition.

Quoique son calibre fût de 2 millimètres et demi plus petit que celui du fusil de munition, cette arme se trouva lui être supérieure sous le rapport de la justesse et de la portée.

M. Delvigne présenta alors son fusil rayé à deux généraux d’artillerie. Ces officiers le déclarèrent absurde et inadmissible.

Sur ces entrefaites, arriva l’expédition d’Alger. M. Delvigne saisit avec empressement cette occasion de faire expérimenter son système. Il y parvint, mais, comme on va le voir, par un moyen détourné.

On avait refusé d’admettre son fusil rayé pour l’armement de quelques compagnies, mais on consentit à essayer ce système pour le siége de la place, ou pour faire sauter les caissons de poudre de l’ennemi. M. Delvigne prépara donc des projectiles allongés et creux, remplis de poudre, et armés, à leur partie antérieure, d’une capsule fulminante. Le choc de cette capsule contre un corps résistant, devait faire voler le projectile en éclats : c’étaient de petits obus.

Les essais qu’entreprit M. Delvigne avec ces nouveaux projectiles, d’abord à la butte Montmartre, en présence des ducs de Chartres et de Montpensier, fils du duc d’Orléans, puis au champ d’expériences de Vincennes, réussirent complétement. Toujours la balle frappait le but la pointe en avant, et l’explosion se produisait en même temps.

M. Delvigne reçut alors l’ordre de se rendre en Afrique, avec un approvisionnement de ses projectiles. Il fut mis à la tête d’un détachement de cent tireurs d’élite, armés en partie de fusils rayés de son système, fabriqués à ses frais, et en partie de fusils de rempart lançant les petits obus incendiaires que nous venons de décrire.

Les résultats obtenus pendant la courte campagne d’Alger, furent très-satisfaisants, et l’inventeur en tint bonne note.

Au retour d’Afrique, et sur l’avis favorable de plusieurs généraux de l’armée d’expédition, M. Delvigne demanda au Ministre de la guerre la continuation de l’examen de son système. Mais il fut repoussé pour la cinquième fois. M. Delvigne prit alors le parti de donner sa démission d’officier, pour pouvoir défendre et propager ses idées, sans être retenu par la hiérarchie ni par la discipline.

Son insistance et ses démarches eurent pour effet de provoquer, en 1833, une série d’expériences. Elles se firent à Vincennes, sous la direction de M. de Pontcharra, lieutenant-colonel d’artillerie et inspecteur des manufactures d’armes.

Ces expériences, qui avaient pour but la création d’un fusil de rempart rayé, en prenant pour base le système Delvigne, furent conduites avec beaucoup de science et d’habileté. On étudia les divers éléments qui entrent dans la composition d’une arme rayée : le mode de forcement, la forme, le poids et le