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forcement incomplet, et par conséquent une déviation dans le tir.

De plus, la balle s’aplatissant inégalement, son centre de gravité se trouvait jeté en dehors de l’axe du canon, décrivait une hélice, au lieu de suivre une ligne droite, dans l’intérieur de l’âme, et en sortait suivant une tangente à cette hélice ; d’où une seconde cause de déviation. Enfin les rayures s’encrassaient rapidement, le chargement devenait difficile, et après un petit nombre de coups, l’arme perdait beaucoup de sa précision.

Malgré ces inconvénients, qui pouvaient être atténués par des études nouvelles, la carabine Delvigne n’en était pas moins un grand progrès. Elle était inférieure, il est vrai, sous le rapport de la justesse du tir, aux anciennes carabines chargées au maillet ; mais elle était supérieure au fusil d’infanterie dans le rapport de 3 à 2. On peut donc s’étonner que la commission se soit montrée aussi sévère à l’égard d’une invention qui aurait mérité les encouragements les plus sérieux.

M. Delvigne ne se tint pas pour battu. Dès cette époque, il entama, dans les journaux et dans différentes brochures, une polémique qui se termina par le triomphe de ses idées. L’auteur a raconté avec beaucoup de verve, dans une Notice publiée en 1860[1], la longue odyssée de ses démarches, de ses efforts, de ses combats, comme aussi de ses déboires.

Fig. 351. — Le capitaine Delvigne.

Cependant il continuait ses travaux. Outre les reproches faits à sa carabine, et que nous avons énoncés plus haut, on lui opposait, comme une fin de non-recevoir inexorable, le défaut de portée de sa carabine. Il est certain que la carabine Delvigne, comme toutes les armes rayées de cette époque, portait moins loin que les armes lisses de même calibre. Cela est même incontestable en principe, pour toutes les armes rayées, même les plus perfectionnées, comparées aux armes à canon lisse. On le comprendra sans peine si l’on réfléchit que la rayure, créant un obstacle au départ du projectile, nécessiterait une augmentation de la charge de poudre pour accroître la force d’impulsion ; mais cette augmentation de charge ne saurait être tentée sans alourdir la carabine ou la faire éclater. Par conséquent la portée, à calibre égal, doit être moindre dans une arme rayée que dans une arme à canon lisse.

M. Delvigne songea pourtant à obtenir une portée plus considérable, non par l’augmentation de la charge de poudre, ce qu’il savait impossible, mais en prenant un projectile plus gros. De cette augmentation de la masse du projectile devait résulter l’effet cherché, parce que la balle plus lourde combattrait mieux la résistance de l’air.

La forme cylindrique allongée fut celle que M. Delvigne adopta pour le nouveau projectile de sa carabine. Il fallait seulement

  1. Notice historique sur l’expérimentation et l’adoption des armes rayées à projectiles allongés, Paris, in-8, 1860.