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des gaz de la poudre, forcement automatique et indépendant du tireur.

Fig. 356 et 357. — Balle à culot et coupe verticale de cette balle.

La balle présentée par M. Minié (fig. 356 et 357) était creusée à sa partie inférieure ; dans la cavité ainsi produite était logé un culot, a, sorte de capsule en tôle de fer, de forme tronc-conique. En raison de sa densité moindre que celle de la balle, le culot recevait le premier l’impulsion des gaz de la poudre, il exerçait une pression sur les parois intérieures du projectile, et le forçait de s’ouvrir, de se dilater, et de s’imprimer dans les rayures. Dès lors il n’était plus besoin de tige au fond du fusil, ni de baguette pour le forcement ; le chargement se trouvait très-simplifié dans la pratique, en même temps qu’il acquérait une grande régularité.

La première idée de cette méthode de forcement n’appartenait pas en propre au capitaine Minié, En 1835, un arquebusier anglais, M. Greener, avait présenté à l’arsenal de Woolwich une balle ovale, A (fig. 358), portant un évidement dans lequel s’engageait un appendice, B, formé d’un alliage de plomb, de zinc et d’étain, et dont M. Greener indiquait le rôle en ces termes :

« Quand l’explosion a lieu, le tampon est chassé dans le plomb, en écartant les parois de la balle, et produit ainsi, soit le forcement dans les rayures, soit la suppression du vent, selon que l’on emploie une arme rayée ou une arme à canon lisse. »

Fig. 358. — Balle Greener.

Les expériences avaient été très-concluantes ; mais la balle Greener avait été rejetée en Angleterre à cause de la difficulté de sa fabrication.

D’un autre côté, le fait de la dilatation du projectile évidé, par l’action des gaz de la poudre, avait été remarqué par M. Delvigne, presque dès l’origine de ses travaux. Ayant, en effet, creusé à l’arrière, sa balle cylindro-conique, pour porter son centre de gravité à la partie antérieure, M. Delvigne n’avait pas tardé à reconnaître cette influence ; et, le 22 décembre 1842, il avait spécifié sa découverte dans une addition à un brevet pris l’année précédente. Il y déclarait « avoir évidé le creux de sa balle cylindro-conique, non-seulement pour les motifs énoncés dans son brevet d’invention, mais, en outre, pour obtenir sa dilatation, son épanouissement par l’effet des gaz produits par l’inflammation de la poudre. »

M. Minié n’était donc pas l’inventeur du mode de forcement par expansion du projectile ; mais il l’avait ressuscité et perfectionné d’une manière fort ingénieuse par la création de sa balle à culot.

Dès sa présentation, le système Minié attira toute l’attention du gouvernement français. Il réunissait, en effet, bien des avantages. Facilité et régularité du chargement, suppression de la tige intérieure et de la baguette de forcement, transformation rapide et économique du fusil lisse en fusil rayé : telles étaient ses qualités les plus saillantes.

Restait à savoir comment le nouveau projectile se comporterait dans la pratique, et à quelle précision de tir il permettrait d’at-