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des équipages résolus, devaient s’entre-détruire inévitablement en moins d’un quart d’heure. Les vaisseaux de bois, comme machines de guerre, étaient donc devenus tout à fait insuffisants, et il fallait nécessairement arriver à les revêtir de cuirasses métalliques.

C’est l’histoire descriptive de cette mémorable invention que nous avons à présenter à nos lecteurs. Cette nouvelle Notice prend naturellement sa place après celles qui ont été consacrées aux poudres de guerre, à l’artillerie et aux armes à feu portatives.

À la France seule, proclamons-le dès le début, appartient l’honneur d’avoir créé la marine cuirassée. C’est la France qui, la première parmi toutes les nations maritimes, résolut, en 1854, le problème de la construction des batteries flottantes cuirassées, et cinq ans après, en 1859, le problème, bien plus ardu encore, de la construction d’un navire cuirassé capable de tenir la haute mer et d’y gouverner avec vitesse. Mais bientôt, aiguillonnées par les brillants succès que nous venions d’obtenir dans cette voie nouvelle, les nations maritimes des deux mondes se mirent à rivaliser de sacrifices et d’efforts, pour se créer, sur mer, des ressources offensives et défensives. En 1862, les incidents de la guerre de sécession, en Amérique, donnèrent au nouveau système d’armement naval l’occasion de signaler toute son importance, et vinrent hâter le mouvement général qui entraînait les peuples à transformer leurs flottes de guerre.

Nous jetterons d’abord un coup d’œil historique sur les travaux accomplis en France pour le cuirassement métallique des batteries flottantes ; nous parlerons ensuite du blindage métallique des navires. Nous signalerons enfin les entreprises du même genre qui ont été successivement exécutées, à l’imitation de la France, chez les différentes nations maritimes des deux mondes.


CHAPITRE PREMIER

le vaisseau militaire rapide le napoléon. — l’empereur napoléon iii fait construire les premières batteries flottantes cuirassées. — bombardement de kinburn par la congrève, la dévastation, la lave et la tonnante.

En 1854 éclatait la guerre de Russie. Les armées alliées de la France et de l’Angleterre étaient transportées, en quelques jours, sur les côtes méridionales de ce vaste empire, et arrivaient en vue du Bosphore.

La supériorité des navires à vapeur sur les navires à voiles, et plus encore celle des vaisseaux à vapeur rapides sur les vaisseaux de guerre à petite vitesse, fut démontrée, avec évidence, dans cette campagne maritime. C’est là un point historique que nous mettrons d’abord en relief, parce qu’il se rattache essentiellement au sujet qui nous occupe. La création du vaisseau militaire à vapeur à marche rapide, marqua un grand progrès, et fit époque dans l’histoire de l’art. La cuirasse est venue ensuite compléter la révolution si glorieusement ouverte dans l’architecture navale par la création du vaisseau militaire rapide.

Pendant longtemps, en effet, même après l’application de la vapeur à la navigation, même après l’emploi de l’hélice propulsive, on continua de considérer la voile comme l’engin par excellence pour la flotte de combat. On ne croyait pas qu’il fût possible d’associer la puissance militaire de l’ancien vaisseau de ligne avec la rapidité d’évolutions que donne la machine à vapeur. L’expérience que donnèrent les incidents de la guerre de Crimée, vint changer les opinions à cet égard.

L’honneur d’avoir produit dans le monde le premier vaisseau militaire à grande vitesse, ayant la vapeur comme moteur principal, revient à un ingénieur français, doué d’un véritable génie, M. Dupuy de Lôme, qui débuta dans la carrière par le coup d’éclat du Napoléon, et qui depuis, n’a cessé de con-