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68m,42, déplacent 2 700 tonneaux, au tirant d’eau moyen, en charge, de 4m,72 ; ils ont deux tourelles armées, chacune, de 1 canon de fort calibre. La Wivern n’atteignit, aux essais en calme, qu’une vitesse de 10 nœuds.

Le Prince-Albert, ainsi que ces derniers bâtiments, est ras sur l’eau et peu en état de tenir la mer. Un instant, on avait cru trouver, au point de vue du roulis, quelques avantages aux bâtiments à tourelles centrales ; mais la Wivern, qui faisait partie de l’escadre d’essai de 1866, dont nous avons parlé plus haut, roule à tel point, qu’il est dit dans un rapport officiel : « Je ne mentionne pas ce navire, car la mer eût envahi sa tourelle et balayé tout à l’intérieur. »

Ces premières tentatives furent donc peu satisfaisantes. Elles montrent combien il y a loin du Monitor proprement dit, au navire dérivé du même système, mais destiné à la grande guerre maritime. C’est ce qu’il est facile de s’expliquer.

Les tourelles ne protégeant que leur intérieur, il est urgent que le bâtiment qu’elles surmontent soit entièrement cuirassé. Une question d’économie de poids conduit à réduire la hauteur des œuvres mortes ; ou si l’on dispose les choses de telle façon que le tir rase le pont, il faudra que les pavois puissent tomber pendant le combat, laissant par là le pont accessible à la lame. On a dû sur le Royal-Sovereign, le Prince-Albert, la Wivern et le Scorpion, placer par-dessus les tourelles, un pont léger, pour le service du bord.

La figure 405 (page 564) représente le Royal-Sovereign.

En second lieu, pour que la tourelle puisse battre sans gêne tout l’horizon, il importe que le pont supérieur soit entièrement dégagé de l’avant à l’arrière. Or, dans la revue navale qui fut passée à Spithead, en 1867, à l’occasion de la visite du Sultan, le Prince-Albert ayant tiré quelques salves d’artillerie, causa, dès les premiers coups, de grands dégâts à sa passerelle, et diverses installations en fer qui existent sur le Royal-Sovereign entre les tourelles et la cheminée, furent entièrement démolies.

Ce qui est plus grave à penser, c’est le sort qui serait fait, en cas de combat, à un navire de ce système, si le mécanisme des tourelles était dérangé par les boulets ennemis, surtout si le navire se trouvait pris entre deux feux. Une foule d’incidents de la guerre d’Amérique prouvent que cette crainte est sérieuse. Au combat de Morris-Island, le 10 juillet 1863, le monitor le Passair, dut abandonner le feu, après avoir reçu, entre la tourelle et le pont, un boulet, qui avait brisé une partie de son mécanisme ; il fallut trois mois pour le remettre en état. Sans doute, on peut multiplier autour de ce mécanisme les moyens de protection ; mais ne faut-il pas compter encore avec les avaries qui se produisent d’elles-mêmes dans les engrenages, soit par suite de défauts de fonte, soit après quelque temps de service ? Au mois de juin 1863, à bord du monitor américain le Patapsko, une dent du pignon de la tourelle se rompit, et le bâtiment demeura paralysé jusqu’à la fin de la réparation, qui ne demanda pas moins de quinze jours.

Jaloux pourtant de construire de vrais monitors de mer, les Américains produisirent le Miantonomoah (fig. 406), qui, en effet, traversa l’Atlantique, et vint se montrer, pendant l’été de 1866, dans les ports d’Europe.

Le pont de ce navire n’est qu’à 0m,60 au-dessus de la flottaison. Dans l’axe s’élèvent deux tourelles ayant 2m,80 de hauteur, 6 mètres de diamètre, armées chacune de 2 canons de 0m,38 et réunies par une passerelle ; en cours de navigation, les hommes de quart se tiennent sur la passerelle, et le restant de l’équipage demeure sous le pont, dont les panneaux sont absolument fermés. Le bâtiment est ventilé par des procédés mécaniques. En voici les dimensions principales : longueur, 79m,30 ; largeur, 16m,15 ; tirant d’eau, 4m55.