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duits femelle et mâle de cette espèce, dans de l’eau, qu’il agitait ensuite avec son doigt. Il plaçait les œufs ainsi fécondés, dans une caisse de bois, fermée aux deux extrémités par un grillage d’osier, et au fond de laquelle il avait déposé une légère couche de sable. Il plaçait ensuite la boîte dans une eau faiblement courante, et il attendait l’éclosion.

Ces curieux détails ont été publiés par un petit-neveu de notre célèbre Buffon, M. le baron de Montgaudry[1]. Malheureusement les essais de dom Pinchon, n’ayant jamais été rendus publics, n’ont pu exercer aucune influence sur les progrès de la pisciculture, et n’offrent dès lors qu’un intérêt purement historique.

Il faut en dire autant d’un naturaliste suédois, C. F. Lund, de Linkœping, qui, en 1761, employa avec succès dans le lac de Koxen, le procédé des frayères artificielles, à peu près tel que l’employaient les Chinois. Nous trouvons ce procédé décrit en ces termes dans un ouvrage récent :

« Lund ayant observé que pendant la saison des amours, les poissons recherchaient les eaux à température plus élevée, et moins profondes des rivages, et que les œufs de la Perche et des Gardons se rendant dans les bires pour frayer prospéraient mieux lorsqu’ils restaient collés aux branches de genévrier des cloisons que lorsqu’ils tombaient à terre, trouva, à la suite d’essais, que la multiplication des poissons pouvait se faire de la manière suivante : il fit construire une caisse spacieuse, mais peu profonde, en planches, dont les côtés, munis de poignées, étaient percés de trous. Il la plongea dans l’eau, à un endroit rapproché du rivage, où l’on se livrait à la pêche, mais dont le repos était peu troublé et où l’eau, réchauffée par les rayons du soleil, contribuait à l’éclosion. Le fond et les côtés de cette caisse étaient garnis de branches de genévrier, on y plaçait des poissons des deux sexes dont les œufs et la laitance étaient presque entièrement développés. Après deux, trois jours de séjour dans ces caisses, on s’assurait si les œufs étaient pondus et on s’emparait des poissons pour les utiliser d’une autre manière. On rabattait ensuite les côtés de la caisse et on étendait les branches couvertes d’œufs, de façon que ces derniers ne fussent pas trop rapprochés les uns des autres. Les œufs éclosaient presque tous[2]. »

Ainsi la découverte des procédés de fécondation artificielle devrait être rapportée au moine Dom Pinchon, au xve siècle, et celui des frayères artificielles au naturaliste suédois Lund, au xviiie siècle.

Mais aucune de ces découvertes n’était sortie du domaine individuel de ces observateurs, et l’on ne peut, en bonne justice, décerner le titre de véritable inventeur de cet art qu’à celui qui, le premier, le décrivit dans un mémoire scientifique.

Le premier auteur qui ait donné une véritable description scientifique de la méthode des fécondations artificielles, de l’éclosion des jeunes poissons et de leur élevage, est un naturaliste allemand, nommé Jacobi.

Vers le milieu du xviiie siècle, le comte de Golstein, grand chancelier des duchés de Bergues et de Juliers pour Son Altesse Palatine, remit à l’un des ancêtres de Fourcroy, un mémoire, écrit en allemand, sur la fécondation artificielle des œufs de poisson. La traduction française de ce mémoire fut publiée en 1773, dans le Traité général des pêches de Duhamel du Monceau. D’un autre côté, en 1764, l’Académie de Berlin avait publié, dans le recueil de ses Mémoires, un travail ayant pour titre : Exposition abrégée d’une fécondation artificielle des Truites et des Saumons, appuyée sur des expériences certaines faites par un habile naturaliste. Or, ce travail n’était que l’extrait d’un mémoire allemand dû au naturaliste Jacobi, et il reproduisait, dans les mêmes termes, les procédés décrits dans le mémoire du comte de Golstein. Le Journal de Hanovre avait du reste publié, dès l’année 1763, le texte original du travail de Jacobi, et en 1758 ce naturaliste avait adressé à Buffon des notes manuscrites sur le même sujet. Le travail que

  1. Bulletin de la Société d’acclimatation 1854, t. I, p. 80.
  2. Traité de pisciculture pratique et des procédés de multiplication et d’incubation naturelle et artificielle des poissons d’eau douce, par Koltz, in-18, Paris. 3e édition, 1866, p. 15-16.