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cine, chef de clinique chirurgicale à l’hôtel-Dieu Saint-Éloi, et élève particulier du professeur Delpech. Il est sans doute peu de nos lecteurs qui aient entendu prononcer le nom de ce chirurgien : il faut donc leur dire ce qu’était Delpech.

Pour les élèves de l’école de Montpellier, Delpech est resté, en quelque sorte, le dieu de la chirurgie. Je ne crois pas que son éloquence entraînante, le feu de ses discours, la clarté de ses démonstrations cliniques et son génie chirurgical, aient jamais été égalés. Flourens disait, en 1847, à la Chambre des pairs :

« M. Delpech a été, à mon avis, le seul rival de Dupuytren. Ce sont les deux foyers de lumière de notre siècle. J’ai suivi ses leçons, j’ai été témoin du concours admirable où il a remporté la palme sur tous ses concurrents. Il avait, comme Dupuytren, le privilége d’une éloquence naturelle, admirable. On aurait suivi leurs leçons uniquement par l’attrait d’une parole éloquente, indépendamment de ce qu’ils étaient, chacun en son genre, les deux hommes les plus originaux qu’eût vus la chirurgie française au xixe siècle[1]. »

Né à Toulouse, élève de l’école de Paris, Delpech avait débuté, comme chirurgien, à l’Hôtel-Dieu de Paris, à côté de Dupuytren. Mais ce dernier, effrayé du voisinage de ce jeune homme de génie, vit avec bonheur son rival aller conquérir, à Montpellier, en 1812, dans un concours demeuré célèbre, la place de professeur de clinique chirurgicale.

On croyait avoir imposé l’exil à Delpech, c’était un piédestal qu’on lui avait préparé. Pendant vingt ans, dans l’hôtel-Dieu Saint-Éloi, le chirurgien de Montpellier, par ses leçons et sa pratique, mit en échec la renommée de Dupuytren. Il tenait, dans le midi de la France, le sceptre de la chirurgie. Ses travaux, ses innovations dans la pathologie externe, et surtout son admirable éloquence, ont laissé dans l’école de Montpellier des souvenirs impérissables.

En 1830, Delpech, toujours préoccupé du perfectionnement de son art, eut l’idée de chercher dans l’embryogénie la cause des altérations pathologiques des tissus. Il se demandait si, en étudiant dans l’œuf le germe des organes, au moment de leur formation, on ne parviendrait pas à saisir la cause première de ces modifications anormales des tissus vivants, auxquels la chirurgie a mission de remédier.

Pour le seconder dans les longues expériences qu’il voulait entreprendre sur le développement du germe dans l’œuf des oiseaux, et sur la formation progressive des organes, Delpech s’adressa à M. Coste, son élève.

Il nous sera permis de parler, en connaissance de cause, de tout ce qui va suivre, car nous y avons été, en quelque sorte, mêlé, non en acteur, mais en spectateur, en spectateur de dix à onze ans.

Mon père avait fait bâtir, à Montpellier, au fond d’un vaste jardin, dans la rue de la Maréchaussée, une maison composée d’un rez-de-chaussée et d’un étage, laquelle, pour le dire en passant, est tombée récemment sous le marteau des démolisseurs, pour le passage de la rue Maguelonne, près du chemin de fer de Cette. Cette maison était louée, d’ordinaire, aux étrangers ou aux officiers du génie en garnison à Montpellier[2].

Au moment dont nous parlons, une partie du rez-de-chaussée était louée à M. Coste. Ce rez-de-chaussée, vaste et composé de plusieurs petites pièces, convenait parfaitement aux expériences d’incubation artificielle que Delpech voulait entreprendre. C’est là, en effet, que Delpech fit établir les couveuses artificielles, le petit laboratoire pour la préparation et l’observation des pièces au microscope, etc.

Le premier étage était occupé par deux offi-

  1. Moniteur universel du 2 juin 1847, n. 11, p. 1660.
  2. Le corps du génie ne compte que trois régiments, dont les garnisons, ainsi que l’École régimentaire, sont à Metz, à Arras et à Montpellier.