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terre, en Allemagne, en Suisse, afin que la grande expérience qui touche au problème de l’alimentation des peuples eût un caractère européen. » — Grâce à cette puissante impulsion, l’industrie nouvelle prit un essor rapide en Allemagne, en Hollande, en Belgique, en Angleterre, en Écosse, en Irlande, en Suisse. — N’oublions pas de noter que l’établissement de Huningue, par son intelligente et large libéralité, a provoqué partout en France des essais aussi bien entendus que féconds. Nous citerons parmi les nombreux expérimentateurs, MM. Regnault de l’Institut, à Sèvres ; M. Desmé, dans son domaine de Puygirault, près Saumur ; M. de Polignac, au château du Mesnil ; M. le marquis de Vibraye, au château de Cheverny ; M. le docteur Lamy, dans le parc de Maintenon ; M. Pouchet, professeur, à Rouen ; M. Caron, dans le département de l’Oise, etc. »

M. Jules Cloquet a publié, dans le Bulletin de la Société impériale d’acclimatation, une note, à laquelle nous emprunterons quelques détails relatifs à l’établissement de Huningue.

« L’établissement de pisciculture de Huningue, dit M. Cloquet, ce vaste laboratoire, d’abord destiné à l’étude et au perfectionnement des méthodes de fécondation artificielle, a été incorporé dans l’administration des ponts et chaussées, et, en passant aux mains de cette puissante administration, il a pris un tel essor qu’il est déjà un instrument en quelque sorte universel de propagation de la nouvelle industrie, et qu’il fait en ce moment des approvisionnements pour commencer sur une grande échelle le repeuplement des fleuves.

« D’après les documents officiels, cet établissement, pendant la campagne de 1856 à 1857, a livré des produits à 191 destinataires répartis dans 59 départements, à 30 établissements ou sociétés françaises, ou étrangères, de pisciculture ou d’agriculture et à 9 États. À la fin de la campagne de 1857 à 1858, il aura expédié à 490 destinataires répartis sur 66 départements, l’Algérie comprise, à 32 sociétés ou établissements de pisciculture et à 10 États…… Depuis que l’administration des ponts et chaussées a pris possession de l’établissement de pisciculture de Huningue, elle a pu, sans créer un seul nouveau fonctionnaire, et toujours sur la proposition de M. Coste, entreprendre, au moyen de ses nombreux agents, le transport du frai d’Anguille, de l’embouchure de nos fleuves dans les eaux de la France. L’année dernière, d’après un rapport de l’un des ingénieurs chargés de ce soin, 1 500 000 jeunes Anguilles ont été déposées dans les eaux de la Sologne, où l’on commence déjà à constater l’heureux résultat de cette grande expérience, qui sera continuée en 1858.

« L’administration des ponts et chaussées, encouragée par la reconnaissance des populations, a déjà donné l’ordre à ses ingénieurs de faire les préparatifs nécessaires pour qu’à partir de ce mois, la montée d’Anguilles soit récoltée à l’embouchure de tous nos fleuves à la fois. En conséquence, la récolte du Rhône sera introduite dans l’étang de Berre et dans les marécages de la Camargue ; celle de la Loire, dans les eaux de la Sologne, du Berry, de la Vendée ; celles de la Seine et de l’Orne, dans les eaux de la Normandie ; celle de la Somme, dans les tourbières de la Picardie ; celles de l’Hérault et de l’Aude, dans les étangs de Thau, de Leucate, de Mauguio ; celle de la Gironde, dans les nombreux étangs situés près de l’embouchure de ce fleuve. »

La description que nous venons de faire de l’établissement de Huningue serait incomplète si nous ne faisions connaître les modifications qui ont été apportées plus récemment à l’usine du Haut-Rhin.

Depuis l’année 1856, l’établissement de Huningue est passé sous la direction de l’administration des ponts et chaussées, et dès lors elle a reçu une vive impulsion. Nous ne saurions mieux faire, pour fournir ici des renseignements authentiques, que de citer quelques passages du remarquable rapport quia été publié, en 1862, par l’ingénieur en chef des travaux du Rhin, sous ce titre : Notice historique sur l’établissement de pisciculture de Huningue, appartenant au gouvernement français et placé dans les attributions de l’administration des ponts et chaussées[1].

Voyons d’abord l’état actuel de l’aménagement général de l’établissement.

« Sur un enclos de 40 hectares environ, dit l’ingénieur en chef des travaux, existent des sources qui, depuis les derniers travaux d’aménagement, ont un débit moyen de 20 litres par seconde, à une température constante de 10° centigrades. Ces sources, grevées d’une servitude pour les usages domestiques d’une partie de la commune, sont disposées de manière que cette servitude puisse s’exercer sans nuire à l’emploi des eaux dans la pisciculture. Une conduite souterraine en maçonnerie dirige les eaux les plus hautes vers les bâtiments, sans changement sensible de température, l’hiver comme l’été, tandis que celles qui surgissent à un niveau trop bas, sont

  1. In-4. Strasbourg, 1862.