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bancs de Granville et de Cancale, autrefois si productifs, qui ont si longtemps défrayé les marchés de Paris et du nord de la France, n’ont donné en 1866, suivant MM. Hennequin et Millet, que 3 à 4 millions d’huîtres, tandis qu’ils en avaient fourni en 1851 plus de 130 millions. Aussi, tandis qu’en 1851 les huîtres se vendaient dans ces parages au prix de 7 à 8 francs le mille, on les vendait en 1866 au prix de 30 francs le mille[1].

Cette décroissance des produits date de 1852, et elle n’a fait qu’empirer chaque année. Il règne, d’ailleurs, une grande incertitude sur les véritables causes de ce dépérissement. On l’attribue à une mauvaise exploitation des bancs naturels, qui détruirait les mollusques avant l’état adulte, ainsi qu’au mode vicieux de pêche qui consiste à draguer le fond de la mer et à emporter ainsi pêle-mêle, avec les huîtres comestibles, les individus jeunes et les bons reproducteurs. Cependant, ces causes ne suffiraient pas à expliquer l’immense appauvrissement des bancs d’huîtres de Cancale et de Granville ; il faut croire que, d’autres causes, venant de la nature même, concourent à produire ce triste résultat.

En 1865, une enquête sur l’industrie huîtrière a été faite en Angleterre. Elle a prouvé que la récolte des huîtres a diminué tout aussi considérablement, depuis quelques années, chez nos voisins que dans nos parages. D’après cette enquête, la diminution n’aurait pas été amenée par des exploitations abusives ou par de vicieux procédés de pêche ; on l’attribue au manque de naissain, qui semble avoir été détruit durant ces années, peu de temps après sa production. D’après la même enquête, une rareté pareille de naissain aurait eu lieu à des époques antérieures, et il est à craindre, dès lors, qu’elle ne se renouvelle plus tard.

La commission d’enquête a émis l’avis que le meilleur moyen de combattre les effets des disettes périodiques du frai de l’huître est de faciliter les entreprises des individus ou compagnies qui désirent acquérir des fonds maritimes favorablement situés pour la culture de ce mollusque. La commission n’entend pas d’ailleurs par la culture de l’huître la reproduction artificielle telle qu’elle a été entreprise sur nos plages par les méthodes recommandées par M. Coste, mais l’enlèvement du brood (jeune huître du diamètre de 30 à 40 millimètres), et son dépôt sur des lieux, où il serait conservé à l’aide de soins convenables, comme ressources pour les mauvaises années de pêche. Cette opération est pratiquée par les pêcheurs anglais de temps immémorial, et elle donnerait d’excellents résultats, si elle se généralisait.


CHAPITRE XIX

la myticulture, ou culture artificielle des moules.

Les huîtres ne sont pas les seuls mollusques marins que les nouvelles méthodes puissent multiplier à volonté. Comme exemple intéressant à divers titres de la multiplication artificielle d’autres mollusques, nous citerons les Moules.

Les consommateurs qui voient paraître sur leur table, des Moules aussi remarquables par leur taille que par leur bon goût, pensent peut-être qu’elles viennent de la mer et des bancs naturels. Il n’en est rien, et l’on peut s’en convaincre sans peine. Il n’est aucun de nos lecteurs qui, parcourant les plages de l’Océan ou de la Méditerranée, n’ait vu des Moules accrochées aux bords des rochers qui affleurent l’eau, ou qui n’ait vu des pêcheuses du littoral occupées à ramasser sur ces rochers les mêmes mollusques (fig. 602). Or, il est facile de s’assurer que, par leurs dimensions, ces Moules sont bien inférieures à celles qui sont servies sur nos tables, et qu’elles ont un goût vaseux, que ne présentent jamais les moules achetées dans les marchés des grandes villes.

  1. De la production animale et végétale, page 80.