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Bordeaux, des îles de Ré et d’Oléron, des Sables-d’Olonne, et faisant ensemble sept cent cinquante voyages par an, distribuent la récolte dans des contrées où les chevaux n’apportent point les approvisionnements.

« Un bouchot bien peuplé fournit ordinairement, suivant la longueur de ses ailes, de 400 à 500 charges de Moules, c’est-à-dire une charge par mètre. La charge est de 150 kilogrammes et se vend 5 francs. Un seul bouchot porte donc une récolte d’un poids de 60 à 75 000 kilogrammes, et d’une valeur pécuniaire de 2 000 à 2 500 francs ; d’où il suit que la récolte de tous les bouchots réunis s’élève au poids de 30 à 37 millions de kilogrammes, qui, sur le marché, donnent un revenu brut d’un million à douze cent mille francs. Ce chiffre et l’abondante récolte dont il est le produit peuvent donner une idée des ressources alimentaires et des bénéfices considérables qu’il y aurait à tirer d’une pareille industrie, si, au lieu de la restreindre à une portion de l’Aiguillon, on l’étendait à toute la vasière, et si, de cette contrée où elle a pris naissance, on l’importait sur tous les rivages et dans les lacs salés où elle serait susceptible d’être pratiquée avec succès. En attendant, le bien-être qu’elle répand dans les trois communes dont elle est devenue le patrimoine restera comme un exemple à imiter ; car, grâce à la précieuse invention de Walton, la richesse y a succédé à la misère, et depuis que cette industrie y a pris un certain développement, il n’y a plus d’homme valide qui soit pauvre[1]. »

Voilà donc par quels simples procédés Walton a doté le pays où il fut jeté par la tempête, d’une industrie précieuse, source de bien-être, de richesse et de civilisation pour les habitants du littoral.

« Cette population, écrivait, il y a déjà longtemps, M. d’Orbigny père, offre l’aspect de ces grands établissements des frères Moraves de l’Amérique du Nord et de l’Allemagne. Partout le travail, les bonnes mœurs, la gaieté, le bonheur. On n’y voit que d’heureux ménages. L’hospitalité y est considérée comme un devoir religieux ; la probité fait le fond de l’éducation ; enfin le voyageur, étonné, croit rêver un monde meilleur. »

Nous donnons (fig. 608) le plan de l’anse de l’Aiguillon, avec l’indication des points où sont placés les bouchots et de l’espace exact qu’ils occupent.

L’anse de l’Aiguillon n’est pas le seul terrain vaseux sur lequel on puisse élever des Moules. On peut établir cette industrie sur tous les fonds qui sont impropres à la culture des huîtres, soit en raison de leur nature, soit par leur tendance à l’évasement.

M. Coste a indiqué, dans son Voyage d’exploration, un appareil ingénieux et simple, qui peut servir à la fois d’appareil collecteur et d’appareil d’élevage. C’est un radeau flottant (fig. 609) composé d’un double rang de petites poutres en bois, auxquelles on fixe par des crochets des planches disposées les unes horizontalement, les autres verticalement. Les planches horizontales, immergées seulement de 15 à 20 centimètres, recouvrent les semis de jeunes Moules de la grosseur de celles que nous avons déjà figurées. Plus tard, on place ces planches verticalement pour que les Moules puissent prendre plus de nourriture.

On immerge ces appareils pendant l’hiver, au moment du frai, à proximité des lieux où abondent les Moules sauvages. En quelques semaines, ils sont couverts de très-jeunes Moules, Alors on les remorque dans des anses ou des parcs, dans lesquels s’achève leur élevage, d’après le système des bouchots de la baie de l’Aiguillon.

De simples fascines ou des claies pourraient remplacer l’appareil en planches décrit par M. Coste. On ne saurait songer à remplacer le bois par des treillages métalliques, dont la conservation serait, il est vrai, infiniment plus longue, car le métal a ce grave inconvénient, que le frai s’y attache difficilement.

Le gardien de l’arsenal de Venise a réussi à faire dans la lagune, un élevage de moules qui a parfaitement réussi.

Dans les eaux du canal de Lamotte, et dans celles du Port-de-Bouc, près de Marseille, la même entreprise a donné d’excellents résul-

  1. Voyage d’exploration sur le littoral de la France, p. 146-147.