Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/104

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Ici Lebon indique les dispositions les plus convenables à donner au cylindre destiné à contenir le bois soumis à la distillation sèche. Il termine en ces termes :

« Le gaz qui produit la flamme, bien préparé et purifié, ne peut avoir les inconvénients de l’huile ou du suif ou de la cire employés pour nous éclairer. Cependant l’apparence d’un mal étant quelquefois aussi dangereuse que le mal même, il n’est pas inutile de faire remarquer combien il est facile de ne répandre dans les appartements que la lumière et la chaleur, et de rejeter à l’extérieur tous les autres produits, même celui résultant de la combustion de ce gaz inflammable. Voici, pour cet objet, ce qui est exécuté chez moi.

« La combustion du gaz inflammable se fait dans un globe de cristal, soutenu par un trépied et mastiqué de manière à ne rien laisser échapper au dehors des produits de la combustion. Un petit tuyau y amène l’air inflammable ; un second tuyau y introduit l’air atmosphérique, et un troisième tuyau emporte les produits de la combustion. Celui de ces tuyaux qui conduit l’air atmosphérique, le prend dans l’intérieur de l’appartement quand on veut le renouveler, ou autrement il le tire de dehors. Comme ces tuyaux s’unissent au-dessous du globe, il est nécessaire que celui du tirage s’élève verticalement dans une autre partie de sa course, et qu’il y soit un peu échauffé au commencement de l’opération, pour déterminer le tirage. D’ailleurs, chacun de ces tuyaux peut avoir un robinet ou une soupape, afin que l’on puisse établir le rapport que l’on peut désirer entre les fournitures du gaz et le tirage.

« On conçoit, sans qu’il soit besoin de l’expliquer, que le globe peut être suspendu et descendu du plafond ; que dans tous les cas, il est facile, par la disposition des tuyaux, de rendre prompte et immédiate la combinaison des deux principes de la combustion, de distribuer et modeler les surfaces lumineuses, et de gouverner et suivre l’opération ; et qu’enfin, par ce moyen, la chaleur et la lumière nous sont données après avoir été filtrées à travers du verre ou du cristal, et qu’elles ne laissent rien à craindre des effets des vapeurs sur les métaux. Il n’est point indispensable cependant, pour absorber les produits de combustion, qu’elle ait lieu dans un globe exactement fermé ; un petit dôme ou capsule de verre ou de cristal, de porcelaine ou d’autres matières, peut les recevoir pour les introduire dans un tuyau qui, par son tirage, les pousserait continuellement [1]. »

Philippe Lebon signale dans son brevet, les matières grasses et la houille comme propres à remplacer le bois. Cependant, dans son thermolampe, le bois seul était employé. Il plaçait dans une grande caisse métallique des bûches de bois, qui étaient soumises à la distillation sèche. En se décomposant par l’action du feu, la matière organique donnait naissance à des gaz inflammables, à diverses matières empyreumatiques, à de l’acide acétique et à de l’eau. Il restait du charbon, comme résidu de la distillation. Lebon consacrait le gaz à l’éclairage, et il utilisait la chaleur du fourneau pour le chauffage des appartements. De là le nom de thermolampe pour cet appareil, qu’il voulait faire adopter comme une sorte de meuble de ménage.

Cependant Philippe Lebon n’était pas entièrement libre de consacrer son temps à ses expériences particulières, ni de demeurer à Paris autant que l’exigeaient les travaux industriels qu’il avait entrepris. Il appartenait au corps des ingénieurs des ponts et chaussées, et il faisait partie d’un service public. Il dut se rendre, comme ingénieur ordinaire des ponts et chaussées, à Angoulême. Il avait alors une telle passion pour les études scientifiques, qu’il voulait faire des mathématiciens de tous ses amis, y compris le gendre de son ingénieur en chef. Il les poursuivait de ses leçons ; toutes les rencontres étaient pour lui une occasion de conférences.

L’ingénieur en chef finit par trouver que son subordonné était trop savant. Bien qu’il eût reçu de lui quelques services pendant les orages révolutionnaires, il se plaignait sans cesse au ministre des défauts ou des inexactitudes du service de Lebon. Tantôt il proposait de l’interner à Saintes, loin des chantiers de travaux, dans une désolante sinécure ; tantôt, par une de ces habiletés diplomatiques, qui servent à se débarrasser d’un confrère gênant, ses rapports, pleins

  1. Addition au brevet d’invention de quinze ans, accordé le 28 septembre 1799 à M. Lebon de Paris. (Description des machines et procédés spécialisés dans les brevets d’invention et de perfectionnement et d’importation dont la durée est expirée, t. V, p. 124.)